Dans ses pensées, Izhelindë entendait toujours l'alarme stridente sonner, encore et encore. Elle était pleine d'incertitudes, de questions qui restaient sans réponses et qui la torturaient lentement. Elle était seule, dans un monde qu'elle ne connaissait pas, si terriblement seule sans personne pour lui venir en aide. La jeune femme joignit ses mains froides, serra de toute ses forces comme si ce simple geste pouvait lui redonner un peu de courage. Earthea. La nation terrestre. Voilà où elle se trouvait désormais. Et pour combien de temps ? Un soupir s'échappa de ses lèvres. Elle est seule dans le noir, sans rien pour la guider. Dans un environnement inconnu.
Izhelindë a la terrible impression d'être projetée des années en arrière, les premiers jours qui avaient suivi son réveil avait été terrible, elle avait prise conscience de sa propre faiblesse, elle qui s'était toujours démarquée des autres par sa force d'esprit, sa volonté de fer, son envie d'avancer, encore et toujours. Elle se demande quand ce cauchemar va bien pouvoir finir. Si elle n'avait pas été une infirme, elle ne se serait pas réjouie de la situation, mais en aurait quand même profité pour explorer un peu, fouiller. Izhelindë n'accordait aucune importance à son appartement, à ses affaires -sauf à Cam, qui ne marchait plus-, ni même à Galiea à vrai dire. Elle vivait pour la recherche. Et elle n'était plus bonne à rien désormais. Se lamenter ? A part agacer les autres, cela ne rimait à rien.
Lasse, elle se lève. A son arrivée ici, elle a loué une petite chambre avec l'argent qu'elle avait sur elle. Lorsque les alarmes avaient sonnés, elle n'avait pensé qu'à une chose : sortir. Sans penser à rien d'autre. Heureusement qu'elle avait des poches, et sa bourse glissée dedans. La jeune prit une profonde inspiration avant de décider de sortir. Un sourire ironique effleure ses lèvres lorsqu'elle pense qu'il faudrait inscrire « aveugle » sur son front. Histoire que tout le monde sache, que tout le monde s'écarte.

Dans ses souvenirs, Demetrio est une belle ville. Izhelindë a toujours été impressionnée par celle-ci, selon elle, ce n'est pas dur, lorsqu'on vit dans une ville comme Galiea, où tout est fabriqué par la main de l'homme, il est apaisant de voir un endroit où la nature est présente. Un endroit dont la beauté l'avait touchée.
Lorsqu'elle sortit dans la rue, Izhelindë fut assaillie, non pas par les bruits, mais par les odeurs, la terre, les fleurs, les feuilles. Des odeurs qu'elle n'avait pas l'habitude de sentir. Elle resta plantée sur place de longues secondes, à s'imprégner de cette odeur comme pour s'en rappeler toujours. Les odeurs et les sons, c'était tout ce qu'il lui restait maintenant, avec le toucher évidemment.
C'est en se laissant guider par les senteurs qu'Izhelindë se retrouva au sein des jardins d'Eve. Le seul défaut qu'elle trouvait pour le moment à Demetrio était que, pour une aveugle comme elle, le sol n'était pas du tout égal. Mais elle se contentait d'avancer à pas lent, et en grimaçant. Parfois, de minces raies lumineux venaient lui transpercer le regard, c'était là le seul signe qu'elle n'était pas entièrement aveugle, mais elle était tout de même plongée dans une obscurité quasi-permanente. Son cas ne s'améliorerait pas, les médecins le lui avaient dit. Alors Izhelindë avait fait avec.

C'est ainsi que perdue comme la plupart du temps dans ses pensées, la jeune femme bouscula quelqu'un d'autre. Elle manqua de trébucher, et en poussant une exclamation de surprise, retrouva son équilibre avant de lâcher, mortifiée « Je suis vraiment désolée ! Je... je... » Je ne vous ai pas vu, voulait-elle dire. Elle se mordit la lèvre pour ne pas continuer sa phrase, et parce qu'elle pensait sérieusement qu'inscrire aveugle sur son front était peut-être une bonne idée.