Parcourant la cité lumière, le général du ciel admirait cet endroit mystérieux qui lui était donné d’explorer. Tout comme sa première excursion à Earthea, chaque journée était différente et le paysage ne faisait qu’accumuler les surprises. Sincèrement, il appréciait cet endroit, mais il ne s’y voyait y vivre. Sur le coup, il se disait que Rozen devait probablement apprécier la commodité de la technologie. À vrai dire, elle avait son charme, mais rendait l’être humain beaucoup trop paresseux. En fait, dans une cité du genre, les gens pouvaient obtenir l’impression que seuls les intellectuels pouvaient s’en sortir. Cependant, les gens normaux ou plus physiques pouvaient aisément y trouver leur compte à travers la mécanique. Contrairement à Caelestis où les hauts rangs avaient tous les privilèges pour des raisons qui lui échappaient, Okeanos avait cet avantage. Malgré tout, quelque chose clochait. Pire encore, hayden n’était pas en mesure d’y placer une description précise. Il avait la vague impression qu’une main planait sur cette cité aquatique. Ce qu’il ressentait n’était aucunement positif, mais il préférait ne pas se fier à ses sens. Or , si ceux-ci s’avéraient exacts, il attendait impatiemment de voir de quelle manière sa collègue allait gérer la situation.

Pour le moment, Hayden devait se gérer lui-même. Il était tard et c’était l’heure d’assouvir sa faim. Désireux d’explorer une facette un peu plus luxuriante d’Okeanos, il se trouva dans un restaurant assez intéressant. Étrangement, le service était prompt, mais trop robotique. Nul besoin de préciser que son caractère le poussa loin des fioritures et le ramena aussitôt à la réalité. C’est donc dans un autre restaurant qu’il se retrouva. Là  où authenticité et passion remplissaient les lieux d’un parfum de bonne odeur, il attendait patiemment son entrée. À ce moment précis, il réalisa qu’il était probablement le seul qui n’était pas accompagné.

-Dommage…

Il n’aimait pas manger seul, mais le temps l’avait poussé à s’y habituer. Ainsi, étant accoutumé à la solitude, il se contenta d’attendre seul sa commande en faisant le vide dans son esprit. Il allait bientôt devoir retourner à Caelestis pour les grands jeux. Ceux-ci risquaient d’être drôlement plaisants. Malgré tout, il devait trouver un moyen d’y gagner une grande somme d’argent pour ses projets futurs.
©Cain

Alors que l’attente se faisait sentir, une source de distraction débarqua de manière tout à fait inattendue. Sur le coup, le général pensait que la maison avait eu pitié de lui et lui avait envoyé une personne à qui parler. Or, en entendant son rang, il ne put s’empêcher de détourner le regard pour toiser la femme. Si en quittant Caelestis et Earthea il avait cru en la possibilité de se promener de manière anonyme, lil réalisait que les gens des eaux marines semblaient lui donner plus d’attention que les deux autres régions réunies ensemble. Depuis son arrivée, il n’avait fait que cumuler les diverses péripéties. Au final, il avait de très bons souvenirs, mais étrangement, il avait l’impression que celui-ci risquait d’être particulier. L’enthousiasme de cette femme ne lui était pas inconnu. Il avait l’impression d’y lire des manies qu’il avait côtoyées par le passé. Comment? Il n’en avait aucune idée.

-Ce n’est pas le quartier le plus chic, mais il a le mérite d’être sympathique.

Déposant ses iris sur la femme aux traits clairs, il arbora l’air impassible qu’il donnait à tous les gens qu'il rencontrait. Son visage attendait patiemment d’être connoté par une expression quelconque. Pourtant, aucun signe annonciateur n’influençait ses lèvres pour le moment. Dédain, rire mystérieux, joie, colère ou dégoût? Aucun d’entre eux n’arrivait à se reconnaître en cette femme. Ce faisant, puisqu’aucun sentiment n’osait se manifester, il n’avait qu'une possibilité; attendre.

-Surtout, je ne pensais pas qu’on me reconnaîtrait même à Okeanos.

Voyant le serveur passer à proximité de sa table, le général lui fit un signe de la main. Sur celle-ci, on pouvait clairement y lire le chiffre 2. Sans attendre, l’homme se précipita vers la cuisine pour doubler la commande du général. Hayden n’avait pas osé détourner son attention de la blondinette. Lors d’une rencontre, la pire chose à faire était de détourner le regard. Même un clignement n’était pas autorisé. Si cette personne montrait son vrai visage au cours de la seconde d’écart d’esprit, qu’allait-il se passer? Outre le regret futur provoqué par un manque d’attention, il n’y avait aucune retombée positive. Par le fait même, le regret était négatif, mais le fait d’apprendre à partir de ce sentiment était la seule chose positive. Bref, il devait rester concentré pour être en mesure de faire ce qu'il faisait de mieux : analyser.

-À qui ai-je l’honneur?


©Cain

Alors qu’Hayden s’attendait à rencontrer l’innocence en personne, il se heurta à un violent brasier. S’il avait considéré la jeune femme comme une flammèche, il s’était rendu compte qu’elle pouvait entrer en combustion à tout moment.

-En ce moment, je dirais plutôt que vous êtes celle qui éclate ma bulle.

Adaptant la remarque à la cité marine, le général prenait le temps de s’immerger totalement dans l’atmosphère subtile et provocante. Si aux premiers abords, il considérait cette remarque comme une preuve de cynisme, il la voyait plutôt comme un tremplin vers une joute verbale. Toutefois, il préférait jouer l’innocent pour mieux cerner celle qui l’accompagnait dans cette danse. En commençant par une valse, il serait plus prompt à cerner les manies de sa partenaire.

-Enchanté Démacia, c’est toujours un plaisir de rencontrer des gens aussi uniques.

S’imaginant dans un bal, Hayden y allait d’un méthodisme inaccoutumé. Il y allait par phase, optant pour un simple compliment afin de créer une complicité. Après tout, elle n'allait pas tarder à lui servir de côte le temps d’une préhension. Longeant ainsi sa main, il n’hésita pas à prendre celle de son invitée pour l’entrainer vers ''la piste de danse''.

-Que me voulez-vous?

Alors que les premiers pas venaient de débuter, le général poussait Demacia à effectuer le premier geste complexe. Ce tourbillon représentait le revirement de situation et de ton. Rares étaient les fois où il se sentait menacés. Or, là où les animaux se servaient de leur odorat pour flairer le sang chaud de leurs opposants, le parfum qu’elle dégageait était suffisant pour éveiller un sentiment d'alerte. Inspirant violence et subtilité, cet arôme ne pouvait signifier innocence et pureté. Il voulait voir si elle allait lui révéler son vrai visage ou jouer la comédie.



©Cain

Alors qu’il pensait mener la valse, une surprise désagréable le saisit. Avant même qu’il puisse le réaliser, l’atmosphère venait de prendre une ampleur qu’il ne connaissait pas. Il se sentait comme un vulgaire pion sur des terres adverses. Là où les carreaux étaient généralement noirs ou blancs, ceux-ci étaient inconnus. Aucune teinte n’osait vendre les événements qui risquaient de se succéder à une cadence vertigineuse. Tout ce qu’Hayden savait équivalait au néant. Là où la théorie l’avait sauvé à de nombreuses reprises, celle-ci se voyait nullifiée et réduite à sa plus simple expression. L’expérience risquait dicter la tournure des événements et Hayden refusait de perdre, du moins, pas contre elle.

-Dans ce cas, je vous retourne la balle.

Tentant sa chance, Hayden fit un pas vers l’avant, pénétrant ainsi dans le territoire ennemi. Chacun de ses pas semblait provoquait une vague sur le sol suivi d'un violent courant électrique qui le traversait chaque seconde. Il était fébrile, ressentant le caractère décisif des prochains gestes. Une fois la distance brisée, il ne tenta aucunement d’attirer ces doigts de fées. Ceux-ci étaient beaucoup trop malicieux et vifs pour lui. Visant l’efficacité, il amena ses bras pour entourer les douces épaules de son opposante.

-Pardonnez-moi mon scepticisme, mais je n’ai pas l’impression que vous êtes digne de connaître l’objet de votre quête.

Jouant avec son timbre de voix, Hayden en profitait pour mettre l’accent sur les mots de négation afin d'enterrer Demacia et son audace sous une couche épaisse de principes.

-Mais bon, je peux au moins vous donner une chose.

Prenant le temps d'examiner le périmètre autour de lui alors qu’il se laissait bercer au gré de la chanson, il en profita pour lui tendre une perche. Ayant eu le culot de chercher à découvrir ce qui se cachait derrière Hayden, le général devait reconnaître qu’elle méritait un présent quelconque. Cette idée ne provenait pas du phénomène qui la poussait à découvrir Hayden. Au contraire, il le faisait parce qu’elle avait été suffisamment observatrice pour se dire qu’il y avait quelque chose derrière cette armure. Ainsi, la notion de fait disparaissait pour laisser place à une foi qu’il ne pouvait laisser sans réponse. Il voulait voir jusqu’où elle serait prête à aller.

-Je préfère connaître les gens à qui j’ai affaire avant de savoir si j’ai envie de leur donner l’occasion de me découvrir ou non.

Le blondinet venait de jouer ses cartes et de se risquer en territoire adverse. Or, il avait pris soin de lui montrer à quel point elle ne l’intimidait pas.


©Cain

Alors qu’une délicieuse mélodie berçait le rythme de leurs pas, une flamme sembla prendre naissance, rendant la tournure des événements légèrement saccadés. Bien que Demacia suivait aisément le rythme, Hayden avait l’impression qu’elle se retenait d’entrer dans sa zone de confort. Les gestes pourtant nobles et simples masquaient son aura féline. Plus plus les secondes s’écoulaient et plus Hayden se faisait envahir. Généralement, il était la personne envahissante, mais cette fois-ci, une force le tenait à carreau. À travers ses dires et ses gestes, Hayden avait l’impression d’y lire un défi. Étant de nature compétitive, il devait avouer que le tout ne lui déplaisait point. Toutefois, un frisson ne put s’empêcher de l’avertir, comme pour lui rappeler qu’il devait faire attention. Généralement, lorsque ce genre de sentiment assaillait son corps, c’est que son inconscient avait capté quelque chose qu’il n’avait pas tout à fait réalisé. Autant dire qu’il était désavantagé et qu’il ne prenait pas encore conscience de l’étendue de cet écart. Alors qu’il avait opté pour un changement de territoire pour briser la zone de confort de la prédatrice, Hayden s’était aligné droit dans les filets qu’elle lui avait tendus. Ressemblant dorénavant à un oisillon en quête de secours, il devait tout faire sauf céder à la panique.

-Si j’étais un Dieu, je suppose que je connaitrais vos réelles intentions et vos pensées.

Tentant de lui faire comprendre qu’il se savait en terrain hostile, Hayden tentait de ramener les pièces à lui. Il était l’heure de renverser l’échiquier.

-Mais si je les devine, je suppose que je suis peut-être un Dieu finalement…

Connaissant l’impertinence de ses propos, Hayden profita du poids laissé par ses derniers mots pour revenir à ce que désirait Demacia. Il était hors de question qu’il se rabaisse à lui répondre ce qu’elle voulait au moment où elle le voulait. Malgré l’allure banale que pouvait avoir certains faits, ceux-ci avaient tous un sens précis lorsqu’il était l’heure de se défaire des filets adversaires. Si un moindre mot pouvait mener à la salvation, alors le dictionnaire en entier deviendrait ses armes. En bref, Hayden n’avait rien à perdre.

-Ce n’est pas parce que je viens du ciel que j’ai la prétention d’être supérieur d’une quelconque manière aux autres personnes. Je m’en vois désolé si c’est l’impression que vous avez de moi. Je suis Hayden Knight, 27 ans et je suis un citoyen de la terre comme les autres.

Prenant le temps de fixer la provocatrice, Hayden lui montrait qu’elle ne l’intimidait pas. Là où ses dires communiquaient certains mots, ses iris les verbalisaient silencieusement. Le temps qu’elle réalise ce qu’il tentait de lui communiquer, les paroles risquaient de suivre au moment où elle ne s'y attendrait le moins. Son regard était le pieu et ses paroles étaient le marteau qui venait graver ses pensées sur le corps adverse.

-Sinon, j’ai l’impression que vous avez déjà une idée préconçue de moi. Pourquoi ne pas la partager?

Se servant de son désavantage comme arme, Hayden tentait clairement de l’attirer dans son propre piège.

©Cain