Finalement, ce fut au bout du quatorzième essai que le boulon, jalousement logé à même l'armature mécaniques du moteur céda sous ses assauts répétés. Il en avait les mains moites de sueur et d'huile, sans parler de son cou rendu rouge vif sous le soleil tapant. Mais si peu lui importait désormais, fort de son précieux trophée, le dernier d'une longue série servant à protéger un VR-68 cylindré ; une antiquité fragile à en croire les commentaires de ses comparses. Pas étonnant qu'on l'entoure d'une telle armoire à glace – se disait-il, tandis qu'il s'autorisait un moment de répit. Se levant prestement, des courbatures le long des reins lui rappela les postures insolites qu'il avait du endurer pour terminer sa tâche, et il jura sous le menton pendant qu'il avalait goulûment ses longues gorgées d'eau fraîche. Sentant la vie lui revenir, son esprit quand à lui se dispersait avec autant d'intensité.


Et dire que, trois jours auparavant il était encore à croupir dans une cellule des bas fonds de sa « tendre » patrie. Le hasard fait bien les choses : lui qui s'imaginait déjà valdinguer les rues de Galiléa en rôdant le jour et à voler en criminel, il aura suffit d'une seule rencontre pour tout basculer. C'était un gaillard solide, trapu et bâti comme une forteresse, un produit de la nature dont on devinait de nombreuses années passés dans d'ingrats travaux manuels. Alors que rien ne semblait les rapprocher, l'affluence du bar le força à s'asseoir aux cotés de notre jeune intrépide, qui jusque là tentait de faire profil bas. Peine perdue à vrai dire, car l'homme en question se révéla pour le moins... bruyant. La conversation, bien que réticente au départ se laissa porter à mesure que l'alcool déliait les langues, bien qu'il ne mentionna guère son séjour à la prison de Lacum. Son histoire se résumant à son travail à la centrale, et l'accident qui aurait conduit à son licenciement. Des projets ? Il n'avait rien. Des envies ? Rien ne lui faisait vraiment d'effet.


Curieusement, un tel étalage d'honnêteté n'était pas dans ses habitudes envers un étranger total, mais il dut reconnaître un certain besoin de se décharger, ne serait-ce qu'un peu de ce fardeau traînant. Écoutant attentivement, le colosse laissa transparaître une empathie pour le moins inattendue au regard de son apparence rêche. Relançant posément la conversation de quelques questions ciblés, il fut embarqué dans une interview d'embauche dont il ne s'aperçut que trop tard.


Ce ne fut qu'à la fin de son histoire, où il expliqua les mésaventures de son passé, ainsi que la perte de sa fausse famille qu'ils discutèrent de l'avenir. Allait-il croupir ici, à Galiléa sans un espoir de changement ? Cette main tendue semblait trop belle pour être vrai, et bien entendu, le réparateur se garda bien de l'informer des dangers et de la rudesse qui attendait le jeune mécanicien.
La nuit durant laquelle ils traversèrent avec l'Aquaterra fut engravée dans sa mémoire, tant la beauté du paysage changeant le perçait de plein fouet. Observer de ses propres yeux ce ciel étoilé infini sous les cieux le laissa béat de stupéfaction devant sa propre insignifiance.


Mais une fois le voyage passé, l'émerveillement s'évapora bien vite. Son savoir de mécanicien était rouillé, presque inutilisable, et ils s'en rendirent vite compte. Ils auraient pu le larguer du haut de leur Zeppelin bon marché, mais au lieu de cela notre héros fut cantonné à des tâches d'homme de main. L'humiliation était au rendez-vous, mais quelle importance ? Il ne s'attendait guère à quoi que ce soit. Maigre consolation : son savoir semblait revenir peu à peu cependant, ayant réparé quelques fuites de gaz dans la matinée, et réglé un ou deux problèmes de surtension bien gênant. Avec un peu de chance, il ne passera bientôt plus le balai...

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Actuellement stationné au port Céleste, la troupe s'était dispersée en vue de la préparation pour un voyage vers diverses îles militarisés du domaine Caelestis. Cela étant, Klutz avait été laissé sur place à surveiller le Zeppelin, avec quelques tâches pour l'occuper.