Je voudrais passer tout le reste de mon temps,
À venir vous rendre visite,
Ô Okeanos...


Quatre à cinq fois par semaine, je vais au temple pour aller faire hommage au seigneur Okeanos. Je lui demande à genoux, la santé & le bien être du professeur Sievinen.
Parfois, il m’arrive même d’avoir un comportement exagéré dans ce lieu de culte : je peux me prosterner devant sa représentation gravée sur ces grands morceaux de verres colorée & reflétant toute la lumière bleuâtre du fin-fond maritime.

Impossible de dire quelle heure est-il sans l’aide de cette montre numérique accrochée autour de mon poigné aussi frêle qu’une patte de chat.
C’est le soir – officiellement, à la surface. Mais savoir l’heure actuellement n’a pas d’importance. Surtout pour le peuple aquatique. Le plus important actuellement, c’est de passer du temps calme ici.

Clap clap clap. Des bruits de pas qui tuent le silence. Je m’avance petit à petit, tenant dans mes bras la nourriture suffisante que je mangerai dans les minutes à venir, mais que je partagerai aussi en guise d’offrande à notre Dieu.  
La dernière fois, j’ai déposé des galettes de riz, sur lesquelles sont parsemés des petits raisins secs. Deux jours plus tôt, ils ont disparus. Je soupçonne personne car dans ma tête c’est clair : c’est Okeanos lui-même qui s’est régalé.  

Mon regard croise celui d’une touriste, très certainement, car sa façon de s’habiller ne correspond pas du tout à celle de ma nation.
Mais ce visage ne m’est pourtant pas inconnu, si je dois plonger dans mes souvenir, cela me reviendra très certainement. Cependant, le seul son que j’arrive à dire dans ce genre de circonstance, ce n’est qu’un doux : « oh… »

Des images défilent devant mes yeux.
Mais toujours autant floues…


Mon index pointe ma personne. Bien que j’ai entendu ce qu’elle a murmuré je me suis posée également la question si c’est bien moi ?
Je sais que je suis face à ce qu’on devrait appeler retrouvailles. Cependant, quelque chose m’empêche de pouvoir me souvenir du moindre détail. La tête en arrière, mon regard se perd dans les frusques du temple.

Je me revois petite, en compagnie du professeur Sievinen. On sourit, on passe du bon temps ensemble. Il m’enseigne les sciences à l’aide de ces propres bouquins. & après ces quelques fragments de mémoires, je me vois en train de lui demander si je peux sortir au centre de Galiéa. Il me fait alors signe que oui, c’est possible.

Satisfaite de sa réponse, je me balade en explorant les rues, en observant les paysages aquatiques. Puis je tombe alors sur une inconnue qui semble être de mon âge & qui prend des photos à l’aide d’un appareil non sophistiqué. Le premier contact, c'est de lui dire qu’avec ça, elle ne va pas faire long feu au niveau de la qualité des clichés.

Puis avec le temps, une amitié s’est construite.
Mais cela n’a pas duré. La seule chose dont je me souviens réellement, c’est de cette phrase que l'on ressortait tout le temps :
moi, je suis la Lune.
& elle le Soleil.

Je sors subitement de mes pensés. Mes yeux se clignent. Mon visage garde cette expression absente. Un souffle s’échappe de mes lèvres avant de lui dire doucement :
« Moi… ? Je suis la Lune… & toi… » J’attrape ensuite sa main pour sentir sa peau entre mes doigts. « ...serais-tu le Soleil ? » Mon regard, presque vide comme si j’étais entrain de dormir debout, la fixe davantage. Une certaine façon de pouvoir bien l’analyser & d’être sûre.

Même si on arrive à cacher nos tourments,
Ils finissent par être dévoilé par les plus discrets des indices…


Au moment où elle affirme son identité, mon cœur loupe un battement. Mais je garde le silence, pensant que des paroles inutiles gâcheront ce moment d’émotion. Mon visage, très souvent inexpressif, prend une teinte plus rosé. Mes lèvres forment cette expression de joie qu’on appelle sourire.

Sunny a un effet particulier sur ma personne.
Alors que je suis aussi calme que la lune, Sunny, elle brille comme le soleil.
C’est une pincée de bonne humeur saupoudré dans une vague de mélancolie.

& dire qu’à la base je suis venu au temple pour supplié le bien être de mon père disparu…  
Je sens mon bras se faire emporter brusquement par la main de Sunny. Je la laisse m’emmener ailleurs, près du temple de façon à ce qu’on ne dérange personne. & tout cela sans dire un mot. Je conserve ce sourire bien dessiné sur mes lèvres.
Je lui ai manqué & je dois avouer qu’elle aussi malgré notre séparation. Je n’ai jamais osé répondre à ses lettres, pourtant j’ai conservé des brouillons ridicules dans mes affaires. Comme je l’ai fait aussi pour le professeur. Mes yeux ne quittent pas le visage de la demoiselle. Elle passe une main dans mes cheveux & je ne peux m’empêcher d’y poser la mienne.

Mais son air joyeux semble me cacher une inquiétude de sa part.
« Un problème… ? » Lui dis-je d’un air soucieux. Je lui sers doucement sa main, un geste qui se veut rassurant.

Les souvenirs,
Ce sont de précieux trésors,
Enfouis dans nos cœurs…


Je me doute un peu que ma timidité envers les lettres pose un peu problème. Des rougissements se marquent davantage sur mes pommettes. Mon regard la fuit un moment.
« Pardon je… » Dis-je d’une voix presque dure à écouter.
« C’est vrai que tu te souviens que j’ai trop peur du vide… Alors c’est pour cela que tu m’as envoyé cette magnifique photo de Cassiopeia… ? ». Sunny devait se rappeler de mes phobies en m’envoyant ce cliché. Elle a du en déduire que je n’oserai jamais poser les pieds là bas, même en cas d’affaire professionnelle.
Sunny a toujours raison & une bonne intuition.

« C’est un cadeau magnifique. »
L’anecdote contée dans sa lettre joint à cette photo est en plus de cela très poétique, exprimant bien son envie de découverte & d'exploration. Des métiers qui me feraient rêver...
& quand je pense au brouillon que j’ai griffonné pour tenter de lui répondre, j’ai un peu honte.
J’ai voulu aussi lui raconter mes idées d’inventions. Mais c’est plus fort que moi. La modestie passe avant tout.

Elle fait enfin référence à notre première rencontre en pointant son appareil photo du doigt.
« Oh… c’est le modèle que je t’ai conseillé d’acheter pour prendre de meilleurs photos ! » Ai-je exprimé d’une façon presque enfantine.