Tu crois que ce monde veut encore de toi ? Et qu’est-ce que tu fou  avec cet arc dans tes mains, il est beaucoup trop puissant pour ta faible force physique. Rien à faire, Max était montée à sa cachette, vous savez, c’est l’endroit calme, en hauteur, apaisant et silencieux juste au-dessus de sa maison incrustée dans la falaise. Seule quelques personnes connaissaient cet endroit. Un chemin escarpé l’avait amené ici, c’est une sorte de grande alcôve creusée à même la roche. Max aimait à s’imaginer les eaux agités d’une mer sculptant cet abri il y a si longtemps, peut-être même pendant les siècles oubliés ? Elle avait même aménagé un minimum l’endroit. Quelques souches d’arbres lui servaient de siège et quand le cœur lui prenait, elle s’asseyait là, surplombant toute la ville et taillait ses arcs dans un bois souple qu’elle avait soigneusement choisit. Et de temps en temps, elle levait les yeux.

Elle maniait aujourd’hui sa dernière création. Un arc majestueux, grand mais léger. Souple et puissant, beaucoup trop pour elle bien sûr. Elle l’avait taillé dans un bois sombre, résistant. La courbure était parfaitement calculée, elle avait tendu la corde, non sans peine et sans grimace ou autres positions étranges, mais voilà que cette arme était prête. Assise sur l’une des souches, elle donnait les dernières finitions aux gravures qui décoraient l’arc. Elle s’était améliorée dans ce domaine et cette dernière création lui faisait toute sa fierté. Mais Max savait qu’elle ne pourrait pas l’utiliser. Pour une fois, elle ne l’avait pas fait pour elle, il était destiné à quelqu’un d’autre, elle ne savait pas trop qui, peut-être pouvait-elle le vendre ?

Pourquoi vendrais-tu ce bout de bois, tu ne sais même pas ce qu’il vaut, tu ne peux même pas l’essayer. Comme pour contredire sa conscience, Max se leva et attrapa une flèche bien aiguisée. Alors que sur son perchoir, le vent soufflait par rafale tournant en rond comme un indécis du chemin qu’il doit prendre. La force du vent peut-il influencer sur cette flèche que tu tiens prête ? Max banda l’arc, visa une souche d'arbre qui lui cervait de cible d’essai et se rendit vite compte qu’une force opposée à la sienne lui faisait résistance. Alors que ses bras se durcissent, elle ne parvient pas à bander l’arc à son maximum. C’était dangereux. Max relâcha doucement sa faible emprise sur l’objet et le baissa. Elle fit quelques pas et le posa sur une souche, la flèche à côté. Elle se redresse et lève les yeux.  

Une bête indomptable, comme le vent, comme les sentiments. Et le monde se remit à tourner, Max ne peut pas dompter cet arc, elle ne peut pas dompter ce vent, elle ne peut pas dompter ses sentiments. Cet endroit lui jette la vérité en face et ses cheveux roux volent derrière sa nuque. Démétrio s’étale devant elle, ville indomptable avec ses habitants imprévisibles. Et sans passer pour un fuyard, elle s’est éloignée un maximum, gravant la roche, sur cette falaise elle était loin de cette cohue de mot qui tournait trop vite dans sa tête, comme ce monde qui l’entoure. Mais surtout, ne perds pas l’équilibre Max, ou le vent t’emportera, ou tu tomberas de cette falaise, ou tu t’écraseras dans cette marée humaine de mot trop cruels pour tes oreilles. Tu n’es pas forte, tu n’es pas faible non plus et cet arc restera incompris, indompté, comme toi et tes doutes. Tu ne sais pas voler, alors tu ne fais que contempler le ciel.