Les premières nuits sont les plus longues.

Elles sont parfois trop fraiches, parfois trop chaudes, parfois trop courtes et parfois trop longues. Tes pensées se mêlent, se confondent, ton cerveau chauffe et il ne te reste plus qu'une seule chose à faire : t'échapper.

Alors ces nuits, ces premières nuits, lorsque tu as l'impression d'étouffer, tu arraches cette maudite couverture de ton corps, tu sautes dans les vêtements que tu portais la veille, tu attrapes ta machette et ton arc et tu cours, tu cours jusqu'à cet endroit qui t'apaises.

Les arbres surplombent ce qui s'est peu à peu apparenté à un ciel sous la terre. Les années passant, les racines grimpant, un ciel de racines et de bois s'était formé. Ca semblait parfois étouffant, pour les étrangers, mais pour toi ce lieu était magique.

Merveilleux.

Un endroit où tes poumons semblent revivre, ta gorge s'ouvre à nouveau, et ton âme peut s'y reposer, enfin.

Tu appartiens à ces forêts, à cette nature, à cet espace si grand qu'il berce ton coeur et l'apaise de sa simple vision sans fin, sans frontières, sans murs.

Ta main caresse doucement la cime des arbres bleutés par la nuit et par la présence infime mais perceptible du dieu Earthea. Il te suffit alors simplement de respirer, fermer les yeux, pour enfin te sentir à ta place.

3h26

Ton regard se porte alors vers ce ciel presque artificiel. Il n'est pas fait de nuages mais il semble aussi accueillant. Tu cherches ardemment une branche sur laquelle te poser pour la nuit, grimpant aussi aisément que n'importe lequel des animaux que tu as pris l'habitude de chasser dans cette merveilleuse forêt.

Evitant les rameau, les brindilles, tu te faufile dans ces branchages que tu connais par coeur, te dirigeant vers l'un des endroits où tu as prit l'habitude de te reposer.

La nuit, tout semblait si différent, tout y était plus apaisant. Les bruits de la forêt, à peine audible en journée, embaumaient alors l'espace. La brise fraîche du vent venait finalement chatouiller le derme.

Et toi tu t'installes, allongée sur une branche large, creuse, solide. Cette branche dans laquelle tu avais accumuler des matières douces et vaporeuses pour y constituer quelque chose s'apparentant à un nid, douillet.

Tes yeux se ferment alors, se demandant si un jour tu arriveras à dormir convenablement dans ton appartement à Démétrio, comme la personne normale à laquelle tu aspires.

Pour l'instant, tu es encore trop sauvage.

Cet homme qu'on croyait idiot et con, il savait être responsable d'un groupe. Cet homme qui n'aime pas la solitude, mais peut parfois la chérir quand les temps sont durs ... C'est Zackary. Oui, la solitude est une mauvaise chose pour cet homme, il n'aimait pas ça en particulier. Pas qu'il déteste ça mais il préférait avoir la présence de quelqu'un à côté de lui. Ca le rassurait d'un côté. Là, il était seul.

Voilà quelques jours qu'il était parti sur les terres maudites à la recherche de nourriture pour une partie du peuple. Impossible de trouver quoi que ce soit, il cherchait en vain. Ca ne servait à rien et ça me désespérait. Les temps sont vraiment durs et il n'y pouvait rien, il avait fait le choix de partir seul pour au final ... Revenir les mains vides. Quel con. L'Earthea avait donc décidé de revenir à Demetrio en passant par la Rorêt Racinière. Masque à gaz sur la tête et muni de ses armes favorites, il parcourait ce lieu qui restait étrange à ses yeux.

En marchant parmi les racines décorant le sol et le plafond, il pouvait apercevoir non loin de lui la présence d'un monstre particulier. Un monstre qui s'avançait proche de plusieurs racines formant un trou en hauteur. Cependant, cet être à l'allure effroyable avait une grande particularité : il ne s'attaquait qu'aux humains. Sans attendre une minute de plus, Zackary déploya une flèche qui pénétra dans le crâne de la bête, lâchant un hurlement à s'en percer les tympans. Si ce monstre était en position d'attaque, c'est qu'un humain se trouvait là-haut. Le blond cendré montait les racines avant de s'arrêter là où la bête se trouvait. Et là, une chevelure rose faisait son apparition. Une chevelure que le jeune homme connaissait que trop bien. D'une voix dépité, ces quelques mots sortaient de sa bouche :

- Tu me déçois beaucoup, Hestia.

Il retira son masque à gaz pour dévoiler son vrai visage, de quoi rassurer la jeune femme qui ne devait pas être habituée à voir du monde par ici. Zackary lâchait un soupir avant de regarder la bête qui s'était retrouvée au sol.

- Que tu sois ici ou à Demetrio, tu devras toujours te méfier du monde qui t'entoure. Si j'étais pas arrivé à temps, tu serais morte à l'heure qu'il est. J'peux savoir ce que tu fous ici ?

Parce que dans le fond, Zackary se sentirait mal à l'aise si il venait à perdre un de ces coéquipiers.

Un cri perçant.

C'est ce qui te tira de ton demi sommeil, lentement, tu observais la scène qui venait de se dérouler.
Comment ce monstre avait-il détecté ta présence ? Tu avais pourtant pris des précautions, posé des pièges, réparti un ensemble d'odeurs permettant de masquer la tienne. Il était peut-être temps de revoir tout ça, tu t'en occuperas au lever du jour.

« Tu me déçois beaucoup, Hestia. »

Une voix familière, un visage caché par cette saleté de masque que l'on vous oblige à porter pour éviter de mourir sur la surface de cette terre interdite.

Et toi, qui hausse les épaules comme pour montrer ton si grand détachement face à ce qui venait de se passer.

Tu aurais pu mourir sans t'en rendre compte.

« Que tu sois ici ou à Demetrio, tu devras toujours te méfier du monde qui t'entoure. »

Comme si c'était nouveau. Le monde, tu en fais plus partie que tous ces citoyens modèles qui ne quittent jamais leur maison, leur capitale, leur confort.

« Si j'étais pas arrivé à temps, tu serais morte à l'heure qu'il est. »

Mais bien sûr, tu lèves les yeux au ciel, soupirant doucement. Il te confond probablement avec l'une de ses conquêtes, trop fragiles, trop sensibles, des demoiselles en détresse. Il fallait au moins ça pour tomber sous le charme du guerrier séducteur et protecteur que se targue d'être Zackary. Enfin, c'est ce que tu imagines et c'est sans doute la vérité.

« J'peux savoir ce que tu fous ici ? »

Tu avais répondu sans même réfléchir. A quoi bon après tout ? C'était la pure et simple vérité.
Mais peut-être Zackary avait-il besoin de plus d'informations, de plus de détails, pour comprendre les raisons de ta venue ici, pour te comprendre toi, même s'il avait du faire rapidement le tour de ta psyché.

dis-tu en caressant de ta paume engourdie par le sommeil la cime de l'arbre qui t'avais servi de nid cette nuit, une fois encore.

Regardant à nouveau le monstre que ton chef avait tué quelques minutes auparavant, tu ne peux t'empêcher de sourire.


Sautant à terre d'un seul bond agile, tu te retrouvais à côté de la chose qui avait attenté à ta vie. Son aspect était répugnant, mais il était surtout connu pour avoir une chaire délicieuse. Et vu la taille de celui-ci, il y avait à manger pour au moins une centaine de personnes.

Portant ta main à ta cuisse, tu attrapas ton couteau à dépecer et commence alors le travail.
Bien que vous soyez deux chasseurs d'une force plus élevée que la moyenne, il vous serait impossible de ramener cette bête jusqu'à la capitale; il fallait la dépecer et la découper.

Tu lèves la tête pour regarder ton chef, toujours sur ta branche, semblant analyser ton abri de fortune.

Lui faisant un signe, tu l'invites à t'aider. Heureusement pour vous, il reste quelques heures de fraîcheur avant le lever du jour.

Je suis plus chez moi ici qu'à Démétrio.
Il ne savait pas quoi penser d'elle. Cette enfant un peu inconsciente qui voulait montrer au monde entier de quoi elle était capable. Hestia est une grande fille. Hestia est une femme de la nature, elle savait se débrouiller comme un as. Mais dans ce monde, la perfection n'existe pas. Même si Caelestis se tue à vouloir être parfait à tout moment ... Ça n'existait pas.

- T'es pire qu'infernale. Mais j'avoue que ce lit à l'air tout à fait confortable.

Zackary était à deux doigts de s'y enfoncer pour entâmer le plus profond des sommeils, lui qui n'avait pas récupéré depuis des jours mais il vit la demoiselle descendre de son arbre pour commencer à couper l'animal qui n'en n'était pas vraiment un. C'est vrai, sans l'avoir remarqué ... Zackary avait attrapé une proie bonne pour le peuple. Un animal qui voulait dévorer les hommes et vice-versa. Comme quoi, le chasseur était plutôt chanceux, lui qui pensait rentrer bredouille. Le jeune homme descendait de l'arbre pour se placer à côté de l'Hestia. Il se contentait de la regarder au début avant de croiser ses bras tranquillement.

- En quoi Demetrio est différent d'ici, hein ?

Ce n'est pas qu'il avait du mal à comprendre la logique de la demoiselle, au contraire ... Mais il voulait en savoir un peu plus sur ce qu'elle entendait par "mieux se sentir ici que dans la capitale". Le jeune homme sortait son poignard avant d'aider Hestia à découper la viande qui pouvait être utile aux habitants d'Earthea.

- Bestiole ... Le travail d'équipe aide pas mal pour la récolte de la nourriture. J'ai pratiquement rien pu attraper ces derniers jours à part cette chose maintenant. Merci à toi même si t'étais à deux doigts d'y laisser ta vie, ça n'a pas l'air de te marquer plus que ça.

Courageuse et têtue ? Peut-être. Zackary arrachait un premier bout de viande avant de regarder la chose avec un certain dégoût. Bordel, il voulait pas se salir. C'était dégueulasse.

« En quoi Demetrio est différent d'ici, hein ? »

Pour toi peut-être. Mais si Zackary s'était senti obligé de te poser la question, c'est que ça ne l'était sûrement que pour toi.


La science sociale te fais peur, elle t'échappes. C'est pourquoi tu te sens si bien auprès des arbres et si mal auprès de tes semblables.
Tout est naturel ici, la nature, les animaux, même toi.


Pourtant, tout serait si simple si tu comprenais cette dimension pragmatique qui t'échappes. Parce que tu prends tout au premier degré, que toutes tes réactions sont mal placées, inutiles, étranges.

« Bestiole ... Le travail d'équipe aide pas mal pour la récolte de la nourriture. »

Travail d'équipe. Cette idée te fit sourire un instant. Cela faisait bien longtemps qu'un raid n'avait pas été organisé par ce même chef des chasseurs qui se trouvait en face de toi.

« J'ai pratiquement rien pu attraper ces derniers jours à part cette chose maintenant. »

Tu l'avais presque oublié, mais Zackary était parti en quête de provisions pour le peuple il y a de ça quelques jours, quelques semaines.

Savoir qu'il n'avait rien attrapé te laissa perplexe. Tu avais probablement plus approvisionné Earthea en son absence que lui durant son périple.

Peut-être t'emmènerais-t'il avec lui la prochaine fois. Chasser hors de ces lieux te plairait, même si tu es plus à l'aise sur ta terre.

« Merci à toi même si t'étais à deux doigts d'y laisser ta vie, ça n'a pas l'air de te marquer plus que ça. »

Une fois encore tu hausses les épaules, comme pour montrer que la mort ne te fais pas peur, elle fait partie de toi, elle arrivera un jour ou l'autre.

Et tu vois ton chef tenter de ne pas se tacher alors que tu es déjà recouverte de sang, tes bras sont rouges, quelques éclaboussures recouvrent ton visage et ton buste. Plus sauvage, tu meurs. On dirait presque une lionne arrachant des morceaux de viande, décollant la peau et les os de la carcasse encore chaude.

Tu te lèves en direction de ton chef, regardant par terre, essuyant tes mains sur son t-shirt (bah oui, de toute façon au point où tu en es, quelle différence ?). Attrapant quelques sacs, tu commences à ranger et à organiser les morceaux. Certains sont meilleurs que d'autres, il y en a des plus tendres, d'autres plus filandreux, il faut faire attention à bien tout trier pour éviter d'avoir à le refaire une fois à la capitale.

Et tu te réinstalle de ton côté, toujours à dépecer la bête morceau par morceau, enlevant les viscères une à une. Une joie sadique arborant ton visage. Ca n'arrive pas tous les jours de s'attaquer à un démon de cette taille.

Et vos places auraient pu être échangées si Zackary n'était pas arrivé. Tes pièges ne s'étant pas déclenchés. La bête, ce démon, pourrait être en train de décoller TA chaire de TES os. Et comme une révélation, tes yeux s'écarquillèrent.


Bravo. Enfin. Je t'applaudis Hestia.

Ne pas comprendre les hommes ? Drôle d'histoire que voilà. Quoi que pas tellement à vrai dire. C'est Zackary qui est drôle dans l'histoire. Il aime s'approcher des autres, faire des connaissances et encore aller chez la nation des autres par curiosité et foutre la merde profonde. La plus grande partie d'Earthea préfère rester seule.

Par contre, quand la miss aux cheveux roses bonbons pétants remarque enfin qu'elle était à deux doigts de crever à cause de cette "bestiole", une petite veine apparaissait sur la tempe du blond cendré. Calme, calme calme.

Il était à deux doigts de la frapper. Deux doigts de lui donner une claque sur l'arrière de son crâne, deux doigts de ...
Ah bah non, c'est déjà fait. Il n'a pas pu s'empêcher de taper Hestia. Oh, homme INDIGNE. Mais il s'en fichait le coco0

- Putain Hestia, je te jure que tu vas y LAISSER TA PEAU UN JOUR. La prochaine fois, tu te démerderas.

Zackary aurait aimé reprendre son calme mais non, il n'y arrivait pas, surtout quand ça concernant la vie d'un de ses chasseurs.

- J't'ai pas fait entrer dans la troupe de chasse pour que tu puisses glander et te faire bouffer inutilement par une connerie pareille qui pourrait nourrir tout un régiment pour un putain de MOIS.

L'homme arrachait violemment les bouts de viande au rythme de ses paroles plutôt crues. Quoi que la jeune femme doit avoir du caractère... Ou pas, c'est peut-être une femmelette. Peut-être, pauvre créature.

- Tu feras une mission pour moi, pour te faire bouger un peu.

Zackary grognon, la grosse joie.

dis-tu d'un ton énervé.

Tu arrachais désormais la viande à la même vitesse que Zackary.
La scène été plutôt drôle à voir d'ailleurs.

En plus de ses remontrances qui te déplaisaient fortement, Zackary t'avais frappé. Un peu comme un père frappe sa fille quand elle fait une bêtise, un petit geste sec de la main sur l'arrière du crâne. La fureur montait en toi mais tu la stabilisais rapidement.

Après tout, il avait raison. S'il n'était pas arrivé tu te serais retrouvée dans une drôle de posture. Tes pièges ne s'étant pas déclenchés, tu aurais du affronter la bête au corps à corps mais tu aurais probablement gagné.

Tu lui en voulait de ne pas croire en toi. Alors même qu'il été celui qui t'avais donné ta chance, celui là même qui avait ramassé les morceaux de l'enfant brisée pour en faire la grande chasseuse que tu es aujourd'hui.

Tout en dépeçant la bête, tu grommelais. Tu grommelais de rage.
Finalement tu ne parvenais pas à la contenir comme tu l'aurais voulu.

dis-tu d'un ton encore plus énervé.

Te levant soudainement, le visage rouge, les mains ensanglantées par l'animal qui selon ton chef n'aurait fait qu'un bouchée de toi. Les secouant violemment pour enlever l'excès du liquide rougeâtre;

c'était la guerre.

A t'enfoncer autant, ne pas croire en la personne que tu es devenue, cette fille de la nature un peu sauvage et forte, il te blessait. Parce que s'il y avait bien quelqu'un qui pouvait te juger c'était Zackary, et qu'il te voit encore comme une enfant apeurée te pressait le coeur.

Machinalement tu portais ton poing à ta poitrine, comme pour arrêter ces battements incessants.

quoi que t'envoyer en mission te permettrait enfin de découvrir le monde, chose que tu désirais furieusement.

Mais tu voulais le faire culpabiliser. Tu lui en voulais.
Te retournant pour cacher ta gène et ton aigreur tu commençais à faire quelques pas, comme pour partir, partir loin de cette douleur qui s'était formée en toi.

Au fond, tu t'en voulais d'avoir crié sur ton supérieur, mais tu ne laisserais personne t'insulter impunément.

Elle s'énerve, et Zackary s'y attendait. C'était fort désagréable d'entendre des commentaires venant de son chef. De dire "fais gaffe putain, tu vas te faire bouffer." C'est un peu comme une mère qui engueule son enfant. Un peu la même chose. Et l'enfant n'arrive jamais à cacher sa colère. Hestia ? C'est une enfant qui réagissait pareil. Débile ? Hestia débile. Ca dépend. Dormir en étant à deux doigts de se faire bouffer par une bestiole, c'était débile oui. Insulte moi. Oula, faut qu'elle se calme la petite vipère.

Mais elle rajoutait une dernière phrase, la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Débarasse-toi de moi. Et sur le coup, une veine de sa tempe se gonfle  et lorsque Hestia fit demi-tour pour faire il-ne-sait-quoi ... Zackary se retourne vivement, tend son arc avant de lâcher la flèche qui est passée à quelques centimètres du visage de la jeune femme. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelait l'Oeil Argenté. Ce n'est pas pour rien qu'il était chef de la troupe de chasse. Ce n'est pas pour rien qu'il lui a balancé cette flèche proche de sa gueule.

- Reviens immédiatement, ordre de ton chef.

Ce qui restait effrayant avec Zackary, c'était le fait de passer d'une émotion à l'autre, d'être désespéré à devenir extrêmement froid et autorité. C'est ce qu'il était actuellement. Il pouvait faire des choses charmantes comme d'horribles choses pour se faire respecter. Il était cette chose, il était Zackary. Il attendait le retour de la demoiselle avant de croiser ses bras, les mains pleines de sang et l'arc en main. Il reprit la parole toujours d'un ton aussi froid.

- Me débarrasser de toi ? Aurais-tu aimé avoir cette flèche dans ton crâne, dis moi ? Je ne pense pas, mais c'est ce que j'aurais fait si tes propos étaient vraies. Joue pas avec moi, mais joue encore moins avec les provocations et ta vie. Earthea ne l'aurait pas voulu et tu le sais parfaitement mieux que moi. Tu crois que ça m'amuse de te faire la morale peut-être ? Tu crois que ça m'amuse de faire la morale à une femme chasseuse qui était à deux doigts de crever et qui s'en rend compte que quelques minutes après comme si de rien n'était ? Lorsque tu seras sur les terres maudites, personne ne sera là pour te rattraper. Personne. Est-ce clair ?

Il rangeait son arc avant de s'accroupir pour reprendre son travail. La viande était primordiale et c'était sa seule préoccupation maintenant. Les gens avaient faim, ils réclamaient tous à manger alors quand ces duo de chasseurs allaient ramener ce gibier ... Ils gagneront beaucoup plus d'or que d'habitude.

- Cette mission, tu la feras. Que ça te plaise ou non.

Une femme chasseuse.
Une femme.

Alors c'était ça. Ton chef, Zackary, est misogyne.

Comme s'il ne t'avais pas déjà assez énervée, il jouait sur le fait que tu sois une femme. Tu commençais à penser que si ça avait été n'importe qui d'autre, un homme, UN chasseur, il ne l'aurait pas insulté comme il était en train de le faire avec toi.

Déjà partie, à une centaine de mètres maintenant, tu serrais les poings.
Tes ongles rentraient sous ta peau, quelques gouttes de ton sang coulèrent le long de tes doigts. C'était la première fois que l'envie de frapper quelqu'un avait été aussi grande.

Parce que sous son joli prétexte de tenir à toi et de te protéger, il ne faisait que cacher le fait qu'il venait de te réduire, en tant que femme.

Ce que tu ne supportais pas, c'est qu'il se serve d'Earthea, de ton dieu, pour te ramener à l'ordre, lui qui, par sa passion dévorante pour l'argent, ne faisait que souiller l'amour d'Earthea. Tu aurais bien crié de toutes tes forces. Tu te serais bien ruée sur lui pour le tabasser. Mais au lieu de ça, tu serrais tes poings un peu plus.

C'était lui, le chef, l'alpha.


Revenant à grands pas, tu te re-penchais sur la carcasse de l'animal, arrachant violemment chaque parcelle de viande qui glissait sous ta paume.

Le poignard à la main, tu n'avais qu'une envie, déchirer un peu plus cet animal.

Tête baissée, le regard furieux, tu voulais accélérer le processus pour pouvoir repartir de ton côté, t'éloigner de Zackary qui t'avait blessée. Mais cette bête monstrueuse résistait, sa chaire encore chaude peinait à se décoller des os encore durs.
C'était autant la fougue qui t'animait que l'idée des habitants de Démétrio qui avaient faim depuis quelques jours.

C'était pour cela que ton chef était parti, il devait ramener des vivres, mais ce bon à rien était revenu les mains vides. Et sans cette bête que tu avais attiré, Zackary aurait du expliquer à tout le monde pourquoi ils continueraient à avoir faim.

Le rouge de ton visage s'empourprait de nouveau.
Arracher la viande ne suffisait plus à contenir ta rage.

Tentant tant bien que mal de la conserver à l'intérieur de ton corps qui brûlait, une larme ne put s'empêcher de glisser le long de ta joue. L'essuyant machinalement avec ta main pleine de sang, tu ne relevais toujours pas ton visage.

Tout ce que tu pouvais entendre dans ta tête, c'était la voix de Zackary qui répétait en boucle : tu es une mauvaise chasseuse, femme, tu fais honte à ton dieu.

Pourtant, tu essayais de te changer les idées, tu pensais au bain que tu prendrais après avoir fini le travail. A ce lac qui t'attendait et qui apaiserait ton âme. Au clapotis de l'eau quand tu entrerais en son sein, à la douceur du vent se brisant sur la surface, au calme que tu ressentirais une fois en apnée.

Mais rien n'y faisait, la colère était trop forte.
Ton chef était stupide s'il te pensait faible. Et ça te faisais mal, qu'il pense ça de toi, tu pensais ne plus avoir besoin de faire tes preuves. A ses yeux, il apparaissait que si.

Tu attendais qu'il te parles de cette mission en espérant qu'il t'envoie loin et que tu puisses enfin être seule.

Le visage ensanglanté, dans ton regard une fureur mortelle, tes lèvres crispées sous la morsure de tes dents et tes mains se pressant d'achever d'arracher ce qui serait bientôt la nourriture de tout Earthea.

Clairement, tu savais pas ce qu'il lui passait par la tête à cette Hestia. Elle avait l'air encore plus énervé qu'avant sur l'aspect de ses joues rouges. En même temps, y'a pas de quoi péter une joie quand on était à deux doigts de se prendre une flèche dans la gueule. Mais quand tu redevenais sérieux ... Tu pouvais être le pire des enfoirés, pire que strict et autoritaire mais tu t'en foutais pas mal de l'avis des autres. Quand tu voulais qu'on t'obéisse, tu le faisais parfaitement bien comprendre. Mais Zackary, il faut bien avouer que parfois, ça t'embête d'hurler sur la gueule de tes collègues, juste parce que t'avais pas fait ton boulot correctement, ça te foutait la poisse et tu hurlais ta colère vers les autres, tes victimes. C'est un peu bâtard venant de ta part mais ... Tu ne pouvais t'en empêcher et t'allais sûrement pas t'excuser face à ton geste.

Continuant d'arracher le restant de viande comestible de la bête, tu te mettais debout pour regarder l'horizon. Des racines et des racines, il n'y avait que ça. Mais un truc clochait, quelque chose n'allait pas et tu le savais parfaitement bien. Pour avoir squatté cette forêt des millions de fois durant ton enfance ... Tu savais qu'il se passait une chose bizarre.

- C'est trop silencieux à mon goût.

Tu terminais d'arracher la viande restante avant de la mettre dans un sac adapté, regardant le cadavre de la bête qui puait un peu trop à ton goût. Tu jetas un oeil sur Hestia qui avait l'air de toujours faire la gueule.

- Tu viendras en mission avec moi la prochaine fois. Il s'agira d'aller aux dunes dor-

Crack. C'était le premier bruit que tu venais d'entendre avant avoir instinctivement sorti ton arc. Un craquement de branche venant de te mettre sur les gardes. Pourquoi donc ? C'était trop silencieux. D'habitude, le bruit des oiseaux était sans fin alors que maintenant ... Rien. Et lorsque ce type d'animal se décide à ne plus faire aucun bruit ... C'est qu'un ou plusieurs prédateurs venaient de faire leur apparition. Sans plus attendre, Zackary penchait sa tête sur le côté avant de avoir l'apparition d'une bête identique à celle qu'il venait de tuer ... Puis une deuxième ... Une troisième ... Une ... Putain.

- Oh merde.

C'était un troupeau qui venait d'encercler les jeunes chasseurs. Tu ne bougeas pas d'un pouce et tu te contentais de regarder au coin de l'oeil Hestia.

- J'espère que t'as assez d'énergie pour monter aux arbres et sauter de racine en racine.

Parce que là, tu étais à deux doigts d'envoyer une flèche dans un gueule d'une de ces bêtes ... Pour que les autres puissent vous bouffer avec joie et amusement. Bref, une solution, une solution de secours. A part ça, t'as juste aucune autre idée.

- Une idée avant que j'enfonce ma flèche dans un de leurs crânes ?

Si Hestia avait une autre idée, ça serait cool ... Sauf si elle te faisait encore la gueule, là. T'es dans la merde royale mon p'tit Zack.

Sans crier gare, un troupeau de monstre vous avait encerclé.
Dans un élan de rage — qui brûlait dans ta poitrine depuis quelques minutes — tu t'étais jetée sauvagement sur l'une de ces bêtes. Puis deux. Puis trois.

Tu voyais les flèches voler, les flèches de Zackary, celles-là même qu'il avait utilisé contre toi pour t'empêcher de partir plus tôt.

Et ta rage montait encore.
Utile et utilisée.

Un éclair rose.
Tu pourfendais l'air telle une tigresse, sautant d'arbres en arbres pour fondre sur ces monstres qui avaient du être alertés par l'odeur du cadavre de leur congénère.

Sans même répondre à Zackary, tu plantais ta machette dans le crâne de chacune de ses bêtes. Prête à te battre jusqu'à la mort. Cette mort qui ne te faisais pas peur.

Et l'adrénaline. Chacun de tes mouvements était calculé. Comme si le temps s'était ralenti, et que des dizaines de possibilités s'offraient à toi à chaque seconde.

En temps normal tu aurais probablement fuit. Laissant le gibier pour une prochaine fois. Mais tu ne pouvais contenir ces hurlements cinglants qui évacuaient peu à peu ta colère.

Alors tu sautais sur chacune de ses bêtes, l'anéantissant d'un coup vif de ta machette ou de ta dague. Chacune dans une main. Glissant sous tes proies, virevoltant au dessus d'elles. Chasseuse que tu es.

Tu ne jetais pas un seul regard à Zackary. Sauf un instant. Une seule fois.
Et lançant ta dague, tu abattais une bête qui fonçait dans son dos, la lame s'enfonçant dans son crâne. Courant pour le rejoindre, attrapant ta dague au passage. Tu faisais le point sur la situation.

Il y avait déjà 10 cadavres autour de vous. Il restait encore 10 bêtes à achever.
Essuyant la sueur sur ton front, tu y laissais une jolie trace de sang.

— Attrapes ça !

Lui jetant un des bout d'une longue corde dans les mains — heureusement que tu l'avais laissée dans l'arbre te servant de nid — , tu courais à présent autour des bêtes. Les emprisonnant les uns contre les autres. Ca ne les tueraient pas, mais ça vous donnerait le temps qu'il vous fallait pour les achever.

Elles semblaient avoir aussi peur de vous que vous aviez peur d'elles.
Mais c'était tuer ou être tuée.

Et tu ne comptais pas mourir aujourd'hui.

Leurs longues pattes poilues bloquées, il ne restait plus qu'à faire attention aux crocs édentés.

Resserrant ton emprise sur ta machette, mordant ta lèvre sous la vive douleur des quelques griffures qui marquaient ton corps, tu fonçais à nouveau droit sur ces bêtes qui auraient mieux fait de ne pas croiser ta route dans cet élan de fureur.

Avec l'aide de Zackary, il ne restait plus que des cadavres au sol.

Etait-ce de la bravoure qui t'avais poussée à te battre, de la colère, ou de l'insouciance ?
Un peu des trois.

Toute cette haine qui était en toi était finalement partie. Evaporée.

Et te laissant tomber sur le sol, à genoux, tu attrapais des bandages — dans l'une des poches constituant ta ceinture — et commençais à panser tes plaies.

Elles n'étaient pas profondes et étaient peu nombreuses.

Considérant le cimetière gisant derrière toi, tu pouvais être fière et heureuse.

Vous veniez d'abattre une vingtaine de monstres. Ca en faisait de la viande.

— Il y en a d'autres tu penses ? Essoufflée, tes sens en éveil, tu savais pertinemment que si ça n'était pas d'autres créatures de la même espèce; il y aurait d'autres bêtes dans les prochaines minutes.

L'appel de la viande et surtout, le bruit que vous veniez de faire.
Ca avait du ameuter la forêt.

Et bien que le désir de ramener à manger à Earthea était grandissant, vous feriez mieux de partir vous mettre à l'abris tant que vous le pouviez encore.

A bout de force, tu te relevais, rangeais ta dague, et plongeais ton regard dans celui de ton chef.

En plus des sacs remplis de viande de la première carcasse. Vous pourriez ramener quelques bêtes. Peut-être 4, les plus petites.

Le reste reviendrait à la forêt et sa faune.
C'était un festin qui s'offrait aux animaux peuplant ces bois.

Tu n'avais pas compris ce qu'il s'est passé là. Tu pouvais tout voir, suivre tous les mouvements les plus rapides, tu voyais ce qu'il se passait et ce n'est pas pour rien qu'on te surnommait "l'oeil argenté" mais tout allait si vite. C'était impressionnant. Hestia avait lancé le premier coup sans réfléchir une seule seconde à comment sortir du pétrin. Puis tout s’enchaîna. L'attaque des monstres sur les deux Earthea, des flèches à droite et à gauche. Du sang et une odeur horrible à en vomir ses tripes. Hestia était sauvage, pire qu'une sauvage tout comme Zackary qui se débattait pour sa survie.

Et bizarrement, cette situation te faisait extrêmement rire. Tu ne sais pas si c'est parce que Hestia hurle sa rage et sa colère sur ces bêtes, ou si c'est parce que tu t'attendais pas à un tel événement dans la journée ... Mais ça te faisait juste rire. Tu attrapais une corde que te lança la demoiselle avant de comprendre directement où elle voulait en venir, faisant le tour des bêtes pour les attraper et pour les tuer plus facilement.

Il ne vous aura même pas fallu entre cinq et dix bonnes minutes pour toutes les foutre à terre. Mais celle qui avait fait le plus de boulot était bien Hestia et c'est ce qui te faisait rire encore plus. Tu ne pouvais pas te retenir, toi qui était taché de sang de la tête aux pieds. Tu ressemblais à un fou, à un malade mental comme ça mais t'y pouvais rien mon cher Zackary. Tu commençais à te calmer avant de souffler un peu, rangeant ton arc derrière ton dos.

- Les oiseaux chantent, il n'y en a plus.

Disais-tu avec un grand sourire tout en admirant le massacre au sol. Là, il y avait de quoi régaler les babines de tous les Earthea. De l'une de tes sacoches, tu sortais un petit animal similaire à un écureuil, tu sors ensuite un autre papier où tu écrivais quelques petits mots dessus. Tu attachas ensuite cette feuille de papier autour du cou de la bête avant de la lâcher. L'animal commençait à courir à une vitesse extrêmement impressionnante, prenant la direction de Demetrio.

- Nous ne pourrons pas porter toute la viande ensemble, je demande du renfort.

Tu essuies ton front avant de t'avancer vers Hestia, posant ta main sur sa tête en évitant de tâcher ses jolis cheveux roses.

- Pardon.

Puis tu détournes ton regard avant de t'acharner sur une bête afin de récolter la viande fraîche. T'excuser ? C'était pas du tout ton genre. Pourtant, tu l'avais fait avec le sourire, tu l'avais fait comme si de rien n'était. T'as jamais été une personne très claire et tu le seras sans doute jamais.

Puis tu te mettais à rire encore, tout en faisant couler le sang de l'animal au sol. Tu riais.

Un rire. C'était un rire qui s'échappait de ses lèvres.
Et ça te glaces le sang. Pourquoi ris-t'il ainsi ? Pourquoi, soudainement, cette explosion de joie qui n'en était peut-être pas une.

Contournant tes à priori, tu percevais en ce rire, bien plus de nervosité que dans un rire doux et agréable. Zackary avais-t'il eu peur ? Ou était-ce simplement qu'il ne s'attendait pas à voir ta rage se déverser avec une telle intensité ?

Tu n'es pas douce, Hestia. Tu es sauvage. Les gens ont raison de t'appeler ainsi, puisque ton instinct de survie prend bien plus de place au sein de ton être que n'importe quel autre sentiment ou désir. Et lorsque tu l'active, c'est à un éclair rose que l'on fait face, une foudre tumultueuse qui déchirerait chaque parcelle de son assaillant.

Ramassant la corde à nouveau teintée de sang, tu l'enroulait et la rangeait de manière à ce qu'elle puisse te resservir plus tard.
L'arrachant à quelques morceaux de chaire, tu portais l'arrière de ta main à ton nez, empêchant l'infecte odeur d'arriver directement dans tes narines.

Cette odeur, tu ne t'y habituerais jamais. L'odeur de la mort.

Faisant confiance à ton chef, tu le rejoignais dans la découpe de la viande.
Une seule de ces bête pourrait nourrir une famille entière toute une année, c'était donc en souriant que tu regardais Zackary, teinté de sang lui aussi, le visage rouge de sang.

Alignant les cadavres, tu voyais Zack marcher vers toi.
Il essuyait son front mais ça n'avait fait qu'étaler le sang, tu riais.

Tu riais, jusqu'au moment où il ouvrit la bouche. Il s'excusait.
Ton rire s'éteint aussitôt, laissant transparaître une gêne et une incompréhension.

Vraiment Hestia ? De l'incompréhension ?
Non. Au contraire, tu comprenais parfaitement.

Ton imprudence, ton goût prononcé pour le danger et ton manque d'égard pour la vie. Cette vie qu'il fallait que tu apprennes à chérir. Toi qui vit chaque jour comme si c'était le dernier. Il fallait que tu apprennes à te projeter. Pour lui. Parce qu'il avait toujours sa mort sur la conscience. Parce qu'elle le hantait encore.

— Je vais bien Zackary — ta main se pose doucement sur sa joue, ton regard est empli de compassion — Je ferais plus attention — tu essuies son front et le reste de son visage, enlevant le sang encore frais recouvrant ses traits — je te le promet.

T'accroupissant pour décoller la chaire des os de ces monstres que vous veniez d'abattre, tu ne disais plus rien.
Concentrée sur ta tâche.

Pourtant, une chose te revint en mémoire. Une chose qui n'avait pas encore capté ton attention. Pourtant, c'était de ta liberté dont on parlait.

— Parles moi de cette mission.

Tu ne lui laissais pas le temps de se reposer, ni de penser, il fallait que sache qu'elle était cette mission, cette nouvelle aventure qui t'attendait.

Regardant tes vêtements et tes gants, tu savais qu'il faudrait passer chez ta cousine, pour qu'elle puisse à nouveau reteindre tes habits, les faire revivre. Ils étaient recouverts de sang, littéralement.

Elle allait probablement soupirer, te maudire. Mais tu n'y peux rien, le sang, ça tâche.

Actuellement, t'avais juste l'air de nager dans tes pensées. Tu faisais les gestes automatiquement sans penser à rien. Le mal était fait, un mal pour un bien telle est la loi de la nature : c'est le plus fort qui gagne toujours sur les terres maudites ou sous terre. Mais tu sortais soudainement de ton petit monde avant de sentir une chaleur au niveau de ton visage, se stoppant net dans tes gestes.

Tu ouvres grands tes pupilles, te permettant de les cligner plusieurs fois par moment avant de plisser légèrement tes yeux. Ca t'avait étonné sur le coup, tu ne t'attendais pas à ce que Hestia réagisse comme ça. En même temps, être lunatique est peut-être la plus grande spécialité chez les Earthea. Tu lâches un soupir avant de hausser les épaules. Pas que tu t'en fichais complètement de ce geste de la part d'Hestia, de cette main posée sur ta joue, de cette main qui essuyait ce trop plein de sang sur ton front. Tu pourrais ressembler à un psychopathe avec tout ce liquide sur ta gueule, mais l'expression que tu avais au visage de décrédibilisait tellement. Une expression simple, "je ferai attention, je te le promets" ... Si ça pouvait être vrai. Tu soupires avant de la laisser reprendre le boulot, elle te questionnait sur cette mission que tu voulais lui faire faire.

- J'ai discuté avec le chef des botanistes, Drogrien Uder.

T'arraches violemment un bout de viande ... Wouh la belle cuisse toute sexy.

- On souhaite enquêter sur ce genre d'événement.

Tu pointes les bestioles de ton arme ensanglantée.

- On retrouve des monstres qui n'ont rien à faire sur ces zones et ça commence à en faire beaucoup. Qui sait si certains ne se gêneront pas de venir à Demetrio. Ça foutrait un bordel monstre auprès du peuple.

Tu t'arrêtes avant de ranger la viande dans un nouveau sac. T'étais vraiment pas sûr que vous puissiez tout prendre donc t'espérais voir des secours au plus vite. En plus, vous n'étiez pas très loin de la capitale donc les autres chasseurs allaient mettre sûrement ... Entre 10 et 20 minutes si ils prenaient la tyrolienne express.

- Je dois faire la liste des personnes qui viendront sur les terres maudites avec moi et t'en fais partie. On devra savoir ce qu'il se passe exactement pour que les monstres viennent se rapprocher de nous.

Tu lançais ton poignard dans le crâne d'un cadavre, t'en avais marre de te salir et de découper depuis 10 minutes, ça te donnait envie de vomir à force.

L'odeur ne faisait qu'être plus présente.
Elle s'imprégnait dans cette nature, dans cet endroit qui venait d'être témoin d'un monstrueux spectacle.

Bientôt, elle s'emparerait de vous, cette odeur. Elle s'imprégnerait dans vos cheveux, dans votre peau, vous ne pourrez pas aisément vous en dissocier.

Zackary.
Il avait l'air tellement peu convaincu que tu serais plus prudente à l'avenir.
Et tu lèves les yeux.
En es-tu toi même convaincue ? Non.

C'est dans ta nature.

— Un bordel monstre — arrachant la chaire aux os, tu riais — c'est plutôt bien résumé. — c'était un rire franc et sincère, comme pour relâcher la pression — Je me demande ce que souhaite nous faire comprendre Earthea.

C'était probablement son oeuvre.
Peut-être voulais-t'il que vous renforciez votre ligne de défense. Peut-être souhaitais-t'il que son peuple soit près à se battre le moment venu.

Mais pour quoi faire ?

Ou peut-être montrais-t'il simplement sa colère, son dégoût en voyant que Caelestis se proclamait défenseur de votre propre cité.

Les terres maudites.
Ca faisait un moment que tu n'y étais plus retournée.

Peut-être irais-tu en amont pour faire un état des lieux.

— Ces monstres sont peut-être à court de nourriture sur la surface — la dernière fois que tu étais montée à la surface, tu n'y avais vu que de la mort — ce qui est plus inquiétant c'est qu'ils vont finir par empoisonner notre écosystème. — tu le voyais rien qu'au sang déversé sur l'herbe fraîche, il était acide, brûlant, impure, comme l'air de la surface — D'ailleurs il va falloir nettoyer ce carnage.

Ce n'était pas si grave, leur viande est comestible après tout, mais qui sait quels dommages ils pouvaient faire.

Vous étiez déjà assez terrés sous la surface pour devoir abandonner la forêt.

Regardant Zackary jeter son poignard tu en déduisais qu'il était temps pour vous de prendre une pause.
Vous aviez assez travaillé, les autres chasseurs prendraient le relais une fois qu'ils seraient là. C'était un cadeau assez empoisonné. Rien que pour l'odeur.

Tu avais envie de prendre un bain pour te débarrasser en partie du sang et de l'odeur, mais il n'y avait qu'un lac à proximité, et il était plutôt éloigné. Tu ne voulais pas laisser les animaux venir et se servir du butin que vous veniez d'amasser.

Alors tu restais là, à protéger ta viande.
Et tu irais te baigner une fois que les renforts arriveraient.

Soupirant tu regardais ton chef.

— J'espère qu'ils n'ont pas fait demi-tour en sentant l'odeur — tu riais encore, regardant en direction de la capitale — d'ailleurs, ils devraient déjà être là, non ? — l'envie de te baigner, de plonger dans l'eau devenait grandissante — J'ai envie d'aller me baigner pour enlever ce sang et cette odeur de mon corps.

Pas que tu allais vomir, mais cette odeur était insupportable.

Hestia riait, et ça rendait l'ambiance soudainement moins lourde. Enfin, c'était ce que tu ressentais actuellement, Zackary. Tu hausses tes épaules avant de t'asseoir sur la racine d'un arbre, regardant le ciel qui n'en n'était pas un, un ciel rempli de racine comme sur le sol. Tu faisais une petite remarque sur le nettoyage qu'il fallait devoir faire pour éviter de polluer un peu plus votre petit cocon.

- Des botanistes seront là pour le faire.

Puis Hestia se questionna sur la venue du groupe qui devait être là depuis longtemps. Tu ricanes avant de t'étirer de tout ton corps.

- Ils viendront d'ici 10 à 15 minutes.

Tu lâches un soupir avant de fermer tes yeux. T'étais crevé, naze, tes missions te prenaient ton temps et ton énergie constamment. T'as presque pas le temps de prendre une pause pour toi-même. T'étais toujours en mission, qu'importe le lieu et le temps.

- Oh, fais toi plaisir. Je vais surveiller en attendant.

C'est pas comme si t'avais jamais vu de femme nue, salut Rhéa. Et puis ce n'est pas comme si le sang sur toi te gênait énormément, tu t'étais habitué à l'odeur donc si tu devais prendre un bain ... Ça sera pour plus tard, chez toi sûrement ou dans des sources chaudes. Tu pointes un lieu juste derrière toi.

- Il y a une source juste derrière ces racines si je ne me trompe pas.

Cette forêt, tu la connaissais presque par coeur. Depuis tout petit, tu adorais passer ton temps ici avec tes anciens amis. C'était amusant, il y avait peu de monstre et beaucoup de petites bestioles incroyablement mignonnes. Maintenant, ce n'était plus le cas, tu lâches un soupir désespéré avant d'ouvrir tes paupières.

- Earthea doit nous tester.

Pour avoir autant d'emmerde, tu n'avais que cette idée là en tête. Bordel, t'avais juste qu'une envie ... C'était de dormir.

Revenant sur tes pas, tu récupérais les quelques flèches et poignards lancés dans ce qui constituait désormais une montagne de carcasses.

Ce spectacle t'amusait, en fait si tu avais su que tu serait l'auteur d'un tel massacre tu te serais préparée, mais c'était impossible.

Tu posais la main sur l'épaule de Zackary, qui te laissais le temps d'aller te rincer, pour tenter de masquer l'odeur nauséabonde du sang de ces créatures avant qu'elle n'imprègne ta peau.

— Je me dépêches.

Un sourire, comme pour le remercier. Et tu te dirigeais vers l'endroit désigné, une source que tu n'avais pas l'habitude de voir, évitant habituellement cette zone de la forêt.
Ces arbres cachaient bien des mystères et il serait facile de s'y perdre, d'en oublier certains recoins, tu te demandais même si certains arbres ne bougeaient pas au fil du temps.

Te secouant la tête tu évacuais ces pensées idiotes pour revenir à ton désir, te baigner.

Tu retirais peu à peu tes vêtements avant de les tremper eux aussi dans cette eau turquoise pour en enlever l'hémoglobine avant qu'elle ne les tâche. Tu te retrouvais vite nue, plongeant ton corps, l'immergeant dans son entièreté.

Le calme de l'eau apaisait finalement ton coeur, tambourinant encore de l'exploit que vous veniez d'accomplir.
Ouvrant les yeux, restant en apnée pour te calmer, tu bougeais doucement dans l'eau, aimant la sensation de flotter.

Tu pourrais rester ici des heures, à remonter à la surface pour finalement redescendre sous l'eau, jouant à tenir le plus longtemps sans respirer, mais tu devais te dépêcher.
Aider les autres chasseurs à ramener la viande à la capitale, même si tu avais fait plus que ta part.

Alors, remontant lentement pour reprendre ta respiration, tu frottais ton corps, essayant d'arracher chaque particule de sang de ta peau, frottant ardemment ton visage.

Au bout de quelques minutes, jugeant le résultat satisfaisant, tu sortais de l'eau. Etirant ton corps las de cette matinée forte en émotions.
Ramassant tes vêtements à peine étendus et encore mouillés par endroits, tu te rhabillait.
Tu t'attachais finalement les cheveux avant de rejoindre ton chef qui devait s'impatienter.

Combien de temps était passé ?
Dix, peut-être Vingt minutes.
Une partie de la viande avait déjà disparue, et tu pouvais voir quelques chasseurs s'atteler aux dernières carcasses qu'il fallait dépecer.

Etant désormais propre tu les laisserais faire.

Tu te dirigeais vers Zackary, t'étirant toujours un peu plus.

— On a fait notre part je pense, je vais rentrer, il faut que je me trouve des vêtements un peu plus propres.

Tu riais, regardant l'état de ces vêtements trempés, encore rouges, tachés.

Finalement, tu souriais, partant en direction de la capitale où tu devais te rendre. Récupérer des vêtements dans ton appartement avant d'emmener ces loques chez ta cousine pour qu'elle les restaure ou qu'elle les jette.

Tu soupirais, faisant un geste de la main vers Zackary comme pour lui signaler ton départ.

Bientôt cette odeur ne serait plus qu'un souvenir.