Nebula
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« La mort est un processus rectiligne » ft Felice

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Eden
Eden
Messages : 198
Date d'inscription : 09/05/2015
« La mort est un processus rectiligne » ft Felice écrit le Mar 28 Juil - 20:52
« La mort est un processus rectiligne. »


L’air était sec, radieux. La ville ondulait doucement sous la lumière poussiéreuse qui l’inondait toujours de la même manière chaque matin. Assit à la table de la cuisine baignée d’un rayon artificiel, Eden étudiait un par un les visages rassemblés autour du petit déjeuner. Ils étaient cinq. Quatre sans compter le plus jeune. Trois si on retirait le père, la tête cachée derrière un demi-mètre carré de papier journal. Seul le plissement dudit journal rompait le silence. Sa mère découpait avec application un gros pain de blé noir, avec une régularité que le blond avait toujours admiré. A sa droite, Alexius faisait face à son frère. Les deux garçons se fixaient obstinément, l’air défiant. Sans lâcher son jumeau du regard, le cadet mâchouilla distraitement la mie du pain que sa mère lui tendait. C’en était ainsi depuis plusieurs minutes, dans un silence de plomb. Dans la pièce d’à côté, la grosse pendule égrainait les secondes au rythme des allers et retours du battant. En bout de table, le grand-père observait ses petits fils, l’air amusé. Sa moustache immaculée s’agitait alors qu’il était pris d’un petit rire convulsif, plus vraisemblablement comparable à une toux. Le père abaissa son journal, un sourcil dressé en accent circonflexe. Il gratifia Eden et Alexius d’un regard excédé.

– Quel âge avez vous les garçons ? Soupira-t-il en repliant soigneusement son papier pour le poser sur la table. Le grand-père pouffa. Alexius baissa presque immédiatement les yeux vers sont repas tandis qu’un rictus étirait les lèvres du plus jeune qui l’imitait. Il poussa sur le bord de la table pour repousser sa chaise et se leva, passant sa main dans ses cheveux d’un geste habitué.
– Je vais en cours annonça-t-il. Quatre visages dubitatifs se tournèrent vers lui. Il soutint un à un les regards perçant de sa famille avant de débarrasser à la hâte ses couverts et de quitter la cuisine. Bien entendu, il n’avait aucune intention d’aller étudier, et aucun des quatre protagonistes n’était dupe. Cela dit, pas vu pas pris comme se plaisait à dire le jeune homme. Pour sa famille il était en cours jusqu’à ce que l’un d’entre eux puisse démontrer le contraire. Empoignant sa besace, il poussa la porte de la maison et sortit.

A Démétrio, la lumière était toujours la même, l’air sentait l’humidité et le renfermé, et jamais rien ne changeait d’un jour à l’autre, comme une vieille scène aux couleurs délavées qu’on rejouait sans cesse. Chacun des matins de l’étudiant se déroulaient exactement de la même façon. Son père lisait, sa mère servait, lui embêtait son frère et le vieux comptait les points. Ce qui changeait, c’était la manière dont le blondinet allait occuper ses journées. A force de faire l’école buissonnière, il avait exploré la plupart des possibilités d’occupations dans la ville. En soit, il n’avait pas d’obligation, si ce n’était de ne pas s’approcher de trop près des points sensibles où il risquait de croiser un membre de la maisonnée.

D’un pas trainant, le garçon longea une rue, puis une autre, cheminant à l’ombre des bicoques incohérentes qui les bordaient. Les maisons étaient tordues, des amoncellements de pierres et de poutres tenant entre elles par la seule volonté d’Earthea. Eden n’était pas certain qu’on puisse raisonnablement qualifier ça de maison, à moins d’en réduire la définition à quatre murs et un toit empilés les uns sur les autres sur une vie bringuebalante. Personne ne s’en plaignait. Les gens qui ne se plaisaient pas partaient vers Caelestis ou Okeanos, mais les gens ambitieux étaient rares. Pour beaucoup, le faste des cités célestes et sous-marines n’était qu’une futilité, elle ne rendait pas heureux. C’est du moins ce qu’on rabâchait dans la cité. La plus part des habitants des souterrains se satisfaisaient parfaitement de cette existence simple et approximative. Le blond n’avait pas d’opinion. Il n’avait pas matière à comparer, comment pourrait-il déterminer s’il était plus heureux d’une manière ou d’une autre ? Les gens qui parlent le plus sont les ignorants. Eden était un imbécile, mais il avait cette lucidité de savoir lorsqu’il devait s’abstenir de donner son avis. Il éprouvait simplement une certaine fierté de savoir qu’il survivait dans les pires conditions qu’Atlas pouvait connaître.

Au file de sa promenade, alors qu’il se demandait où il allait bien pouvoir aller, il finit pas avoir une idée assez précise de l’endroit qu’il voulait visiter ce jour-là. Voilà bien longtemps qu’il n’avait pas été rendre hommage à son Dieu, et cela lui permettrait s’éloigner un peu de la civilisation. C’était la seule grotte extérieure à Démétrio où il acceptait de se rendre seul, il connaissait le chemin et qu’il n’avait plus peur. Plus trop peur du moins. Honnêtement le blond se demandait souvent pourquoi il s’évertuait à prétendre qu’il était téméraire. Certes c’était bien plus confortable au quotidien de se faire passer pour un gaillard, mais quand la simple idée de quitter la ville lui collait la nausée, les choses devenaient vite plus complexes.
Le temple d’Earthea était un écrin de verdure perdu dans la profondeur humide d’une petite cave bien plus sombre et froide que celle de la ville. Eden avait toujours l’impression d’étouffer en se rendant au temple. L’air était plus lourd et si frais qu’il rendait les inspirations douloureuses. La galerie aboutissait finalement à une large construction dévorée par la végétation. Le lierre avait envahit les murs et rampait le long des fissures. Au plafond, des lambeaux de lichens suintaient, libérant à intervalle régulier une goutte qui venait s’écraser dans des flaques au sol dans un sinistre clapot. Entre les dalles, les herbes poussaient par touffes denses. Seule perdue au milieu de cette profusion verte, la statue d’Earthea semblait avoir échappé aux ravages des plantes. Elle demeurait inviolée sur son socle, dominant ainsi cet empire végétal.

Les pas d’Eden résonnaient dans le temple. Il l’aurait cru désert, surtout à cette heure-ci. Pourtant, il ne tarda pas à repérer une silhouette sous le giron de la représentation du dieu. Entrant dans le sanctuaire, il retira religieusement son chapeau et murmura un salut à l’entité hypothétique avant de s’avancer dans l’allée à la rencontre de l’individu. Il n’eut pas de mal à le reconnaître avec ses cheveux neigeux. Encore fallait-il qu’il se remette de la surprise de le trouver ici.

Yo, Felice. Lança-t-il, enfonçant une main dans sa poche avec nonchalance. Tu pries toi maintenant ? A moins que tu ne sois venu voir ce que tu pouvais ramasser par ici ? Suggéra le blond, perplexe.

Felice
Felice
Messages : 78
Date d'inscription : 25/07/2015
Re: « La mort est un processus rectiligne » ft Felice écrit le Mer 29 Juil - 23:32


La brise légère qu'offrait l'air du petit matin caressait ta peau, te réveillant d'une tendresse sans pareille. Semblable à chaque jour, tu émergeais des doux bras de Morphée aux aurores, bercé par la blafarde lumière de la capitale souterraine. L'épiderme frissonnant sous les assauts de la fraîcheur matinale, tu étirais ton corps endolori, vestige d'une nuit que trop agitée. La veille, tu avais trouvé le repos sur un des toits du quartier ouest, ne possédant pas le courage de rejoindre ton repère pour la nuit. Auréolé par la verdure omniprésente, tu laissais ton regard se perdre au loin, admirant la beauté sauvage de ta terre natale. Surplombant magistralement Démétrio, tu t'abandonnais allègrement à quelques instants de tranquillité, bénissant silencieusement Earthea pour les merveilles ainsi créées. Tandis que d'autres vantaient les mérites prodigieux des avancées technologiques des autres divinités, tu ne pouvais t’empêcher de juger leurs œuvres que trop fades, trop plates et trop amères à ton goût. Le véritable éclat de grâce était pour toi les verdures indomptables et les souterrains mystérieux qui s'étendaient à perte de vue. Tu te complaisais davantage dans une existence simple et rudimentaire, jouissant des plaisirs prosaïques que la vie pouvait te consacrer, misérable humain affrontant un univers des plus abrupts et sauvages.

D'un mouvement leste, tu rassemblais rapidement tes maigres possessions, avant de te laisser tomber au sol, te réceptionnant avec une preste agilité. Une vie entière consacrée à l’errance et au vol avait permis à tes réflexes de se développer, s'adaptant à ton environnement avec une facilité déconcertante. Ton existence même n'était qu'une ode à la fougue et à la désobéissance, te dressant avec ardeur et déférence devant les lois établies. Déliant nerveusement tes muscles encore tendus, tu observais avec circonspection les ruelles aux pierres noirâtres qui s'érigeaient devant tes yeux embrumés. Étouffant avec nonchalance un bâillement, tu te questionnais mentalement sur ta destination prochaine, souhaitant jouir pleinement de cette journée qui était tienne. D'un pas flâneur et traînant, tu déambulais au travers des rues boisées, en quête d'un berceau de silence et de prospérité. Cheminant lentement, ondoyant au fil des chemins, tu finis par t'égarer de plus en plus profondément, entraîné par les entrailles sombres, les boyaux sinistres aux galeries inquiétantes. La lumière faiblissait, devenant blême et crayeuse, laissant aux ombres joueuses une emprise majeure, angoissants dessins tapis parmi les ténèbres. Tu connaissais pourtant les lieux, pour les avoirs fréquentés des centaines et des centaines de fois. La roche avait emporté tes rêves d'enfant, et la moiteur de la pénombre bercé tes nuits. Enfant d'Earthea, tu étais fier de ta condition, funambule des ombres et danseur de l'obscurité.

Tes pas t'avait porté au seuil d'une grotte que tu ne connaissais secrètement que trop bien. Les lèvres closes mais les pensées bourdonnantes, tu promenais sur la caverne un regard apaisé, bien loin des ardeurs coupables de la ville. Le domaine du temple était une idylle verdoyante, déserte de vie et d'angoisse. Doucement, d'une démarche presque langoureuse, tu t'avançais religieusement, ton corps d’albâtre se détachant au-devant de cette masse verdâtre. Aux pieds de la statue représentant l'incarnation du dieu terrestre, tu t'abaissais, terminant à genoux devant l'allégorie faite de pierres. Adressant une salutation mentale à la divinité, tu fermais les yeux. Au grand jamais tu n'aurais laissé les sentences franchir tes lèvres, gardant secret toute foi que tu considérais comme faiblesse. A tes yeux, tu ne priais pas, accordant seulement à Earthea une reconnaissance pour toutes les beautés naturelles qui perduraient encore. Seulement, ton propre esprit n'était pas aussi dupe que tu l'espérais, et les vénales tromperies que tu usais de ton quotidien n'avaient guère la même efficacité sur ta propre personne que sur les pauvres marchands.

Seul le léger et tangible clapotis de l'eau brisait le silence du lieu. L'air y était nettement plus frais qu'aux étages supérieurs, mais t'offrait néanmoins un sentiment de bien-être que tu n'étais pas prêt de refuser. Silencieusement, tu te jurais de revenir rapidement, trouvant en ces lieux un surprenant apaisement. Les bruits de pas te tirèrent des méandres de tes pensées, s’arrêtant un instant avant de reprendre leur ascension vers la divine statue.

« Yo, Felice. Tu pries toi maintenant ? A moins que tu ne sois venu voir ce que tu pouvais ramasser par ici ? »

Le timbre familier de la voix te fit te retourner, abandonnant tes muettes prières pour dévisager un faciès qui ne t'était pas inconnu. Un tendre sourire se forma sur ton visage tandis que tu saluais le nouvel arrivant.

« Eden »

Silencieusement, tu te relevais, faisant face à ton interlocuteur. Toujours souriant, tu adressais au jeune homme des paroles d'une manière que tu espérais mystérieuse.

« Les serments du seigneur regorgent de trésors insoupçonnés. »

Tu concluais tes sibyllines sentences par un clin d’œil énigmatique, intérieurement fier de ton effet.
Eden
Eden
Messages : 198
Date d'inscription : 09/05/2015
Re: « La mort est un processus rectiligne » ft Felice écrit le Jeu 30 Juil - 18:20


Eden

La voix était neutre, mais Felice sourit en apercevant le garçon. Eden s’avança jusque sous la statue et leva un instant les yeux pour observer le visage sculptural d’Earthea. Il avait un air de colosse endormit. Il semblait au blond qu’elle allait d’un instant à l’autre se mettre en mouvement, baisser les yeux pour le contempler. Cette idée lui colla des frissons. Il reporta prestement son attention sur son camarade qui lui faisait à présent face. Il faillit sursauter, ne l'ayant pas entendu s'approcher.

Les serments du seigneur regorgent de trésors insoupçonnés.



Si tu le dis. Concéda son interlocuteur.

Eden le dévisagea, un sourcil dressé. Felice aimait la métaphore, mais la plupart de ses figures de style échappaient au garçon. Il n’avait jamais eu l’esprit poète, il préférait aller droit au but, en impatient ahuri qu’il était. La littérature ne l’intéressait pas, la parole n’était qu’un outil au service de ses colères, de ses crises de nerfs et à la limite de ses prières. Le reste du temps, il ne s’en servait que pour se plaindre ou embêter le monde. Il soupira, laissant échapper un petit rire, avant de dépasser le second garçon en lui tapotant amicalement l’épaule au passage.

Eden s’installa sagement en tailleur devant la statue et posa son chapeau à côté de lui. Il contempla l’édifice, se mordillant légèrement la lèvre intérieure. Earthea serait-il fâché de le voir ici au lieu d’œuvré pour sa nation ? Il n’avait décidément pas choisit le bon endroit pour naitre fainéant. Caelestis aurait été plus adapté à ses aspirations paresseuses. La vie n’était pas bien faite. Eden s’excusa silencieusement à son dieu. Il ne faisait pas honneur au destin qu’on avait choisi pour lui.

C’était dur de prier quand on avait quelqu’un dans son dos. Aussi copains fussent-t-ils, Eden abandonna presque aussitôt et s’en retourna vers Felice. Comme quoi, même quand il ne le cherchait pas, il le trouvait toujours. En un sens, ça ne l’embêtait pas, il aimait bien ce type. Il avait un je-ne-sais quoi d’excitant, ce même genre de sentiment qu’il éprouvait quand son grand-père lui racontait une histoire. Le jeune homme enviait sa liberté. Il était définitivement plus passionnant que n’importe quel cours de médecine inutile qu’on s’évertuait à vouloir lui faire suivre.

Sauver des vies. Et puis quoi ? Ce n’était qu’un sursis, on mourrait tous de toute façon. Rien qu’en naissant on commençait déjà à mourir. La vie n'était qu'une longue dégringolade. Ça nous prend pas d’un coup, ça se prépare, ça se calcule depuis là haut. Eden avait toujours cette image d’un type pas très malin qui courre droit vers un arbre jusqu’à le percuter inéluctablement. Les médecins se prenaient pour des dieux à force d’empêcher les gens de crever librement en échange de quelques pièces d’or. C’était au service du savoir disait son père. On s’en fiche de savoir, prétendait Eden. Il se trouvait bien plus heureux ignare. Il n’avait pas envie de passer sa vie à essayer de comprendre pourquoi il ne pouvait pas contourner l’arbre.  

Le blond étudia Felice un instant avant de lui rendre son sourire plus par acquit de conscience que parce qu’il en avait envie. L’atmosphère lourde du temple lui pesait toujours sur les zygomatiques. Il se sentait toujours plus grave et plus nostalgique dans cet univers peint d'émeraude.

Alors ? Qu’est-ce que tu as à me raconter aujourd’hui ? Combien d’honnêtes contribuables d’Earthea as-tu détroussé depuis la dernière fois ? Il s’esclaffa. Dire qu’il cautionnait un voleur, si on pauvre père savait ça, il en ferait un syncope. Cette idée amusa le garçon. Ceci dit, tu as raison de venir expier tes pêcher ici, je suppose qu’on a tous les deux des trucs à se faire pardonner. Il reporta son regard sur la statue du dieu pour s’adresser à lui sur un ton dramatique. Désolé mon grand, ça doit pas être facile tout les jours d’assumer des imbéciles tels que nous. Le garçon plaça ses bras à l’arrière de son crâne avec nonchalance, la mine boudeuse. Pas de réponse de la part du tout puissant, comme à chaque fois. C’était plutôt rassurant d’un côté. Pan n’était pas là, aucune remontrance ne viendrait du côté divin pour aujourd’hui.


Felice
Felice
Messages : 78
Date d'inscription : 25/07/2015
Re: « La mort est un processus rectiligne » ft Felice écrit le Dim 2 Aoû - 20:02


« Si tu le dis »

L'incarnation sculpturale de la divinité surplombait vos frêles êtres, veillant sagement sur le monde souterrain, imposant souverain de pierre. A tes côtés, éperdus dans ce monde éphémère, Eden te dévisageait, semblant considérer avec scepticisme tes vagues sentences. Tu aimais les réponses laconiques et poètes, fluettes paroles voilées de métaphores. Tu te complaisais parmi le flou dans lequel tu te vêtais, trompant amis et ennemis. Tandis que ton interlocuteur soupirait tout en te tapotant l'épaule d'un geste familier, tu ne pus que sourire à nouveau, bercé par les sentiments qui t'éprenaient alors. Intérieurement, tu considérais le garçon comme un jeune frère, une ébauche de famille. La rue demeurait ta figure maternelle, et tes frères se comptaient par dizaines, jeunes et fougueux, tremblant d'ardeurs dans leurs rêves multiples. Ainsi, tu ne pouvais t’empêcher de leur consacrer une certaine protection, maigre et misérable voile de sécurité. Silencieusement, tu observais le jeune blond s'installer aux pieds de la divinité, se perdant sans doutes à quelques discrètes prières.

Fermant rapidement les yeux, profitant des litanies du plus jeune, tu accordais à ton Dieu et souverain une derrière salutation, quémandant la plénitude de ta chère famille. Au-devant de l'édifice religieux, tu parvenais à trouver un apaisement de ton âme, une tranquillité certaine, que les rumeurs et chuchotements de la fière capitale te reprenaient sans peine. Tapis dans cette échappatoire, tu te consacrais à la méditation, triste faiblesse de ta personne. Parmi les méandres secrets de ton existence, la foi demeurait pour ton être un mystère majeur. Au grand jamais tu n'aurais abandonné oralement tes litanies et adorations que tu consacrais au seigneur, te voilant davantage dans une silencieuse attitude désintéressée. Il n'en était pourtant rien. Soupirant tranquillement, tu ouvrais à nouveau les yeux, tombant alors sur le regard céruléen d'Eden, qui semblait vouloir fouiller aux tréfonds de ton âme. Te questionnant mentalement sur les songes du blond, tu appréciais d'un œil carmin le sourire qui se formait sur ses lèvres.

« Alors ? Qu’est-ce que tu as à me raconter aujourd’hui ? Combien d’honnêtes contribuables d’Earthea as-tu détroussé depuis la dernière fois ? »

Il rit sur ses dires, trouvant à ses paroles un amusement certain, qui pourtant semblait vouloir t'échapper. Tu l’étudiais un moment, espérant sans doutes trouver sur son faciès la réponse à ton questionnement.

« Ceci dit, tu as raison de venir expier tes pêcher ici, je suppose qu’on a tous les deux des trucs à se faire pardonner. Désolé mon grand, ça doit pas être facile tout les jours d’assumer des imbéciles tels que nous. »

Concluant sa maigre tirade, le garçon étirait ses membres avec légèreté, adoptant une position d'une impassible langueur. Laissant insoucieusement tes lèvres blanchâtres s'étirer dans un pauvre sourire,  tu passais paresseusement ta langue sur tes dents, méditant un instant sur les paroles du plus jeune.

« Je ne pourrais te dire combien d’honnêtes gens ont perdu quelques pièces de leurs tendres économies, mais les affaires se portent à merveille pour le moment, Earthea en soit loué. »

Tu prospérerais d'ailleurs grâce aux informations nouvellement revendues, plus encore que dans le vol de maigres possessions, bien que quelques affaires de grande importance commençaient à se dessiner à l’horizon. Ses derniers temps, les investigations que tu menais en secret semblaient en intéresser plus d'un, et ce à ta grande surprise. Soupirant d'épuisement face à la masse de travail prochaine, tu franchissais d'un pas le vide qui se dressait encore ton être blafard et l'incarnation de la divinité. Appuyant tendrement ta main sur les froides pierres de la statue, tu observais nonchalamment les imperfections de la roche, suivant des yeux les fissures qui parcouraient le minerai.  

« Je n’expie pourtant aucun de mes pêchers aux pieds de mon dieu. »

Tes paroles avaient mordu le douceâtre silence qui s'était imposé, rompant sans remords la plénitude spirituelle de ce lieu verdoyant. Te retournant lentement, tu cherchais à happer le regard azuré d'Eden, plongeant tes prunelles hétérochromes dans ce que certaines personnes nommaient le reflet de l'âme.

« Mon existence se caractérise elle-même de par mes sombres occupations, devrai-je alors demander pardon pour être né ainsi ? »

Il ne s'agissait pas là d'un vulgaire questionnement rhétorique, mais bel et bien d'une interrogation que tu accordais à ton interlocuteur. Souriant mollement, tu espérais qu'Eden t'offrirait alors ses propres sentences sur la volonté du seigneur.
Eden
Eden
Messages : 198
Date d'inscription : 09/05/2015
Re: « La mort est un processus rectiligne » ft Felice écrit le Jeu 20 Aoû - 11:57


Voler, voler, voler. Eden aussi, il aimerait bien voler. Mais pas dans le même sens que Felice. Enfin prendre de la hauteur à Earthea, ça devenait vite compliqué, et le haut du crâne s’en prenait un coup. Quelle idée aussi, de vivre sous terre. De vrais lombrics, à gesticuler ainsi et à creuser des galeries. Il y avait toujours eux plusieurs groupes dans la nation, elle était sans doute des plus hétérogènes, contrairement à Caelestis où tout le monde était riche et se vautrait dans l’insouciance et les pièces d’or. D’un côté, il y avait les citadins, les habitants de Démétrio. La plupart travaillaient dans le domaine de la santé ou de l’art. Eden en faisait partie. Il avait bien conscience d’avoir grandit dans un univers privilégier. Il aurait tout aussi bien pu aller piocher au fond des mines ou passer sa vie pleine du sang des bêtes sauvages qui peuplait ses contrées. Non, il avait été élevé dans un foyer certes modestes mais confortable, embaumé des odeurs des plantes de sa mère, et illuminé des discours au combien avisé de son très cher et noble médecin de père. Il grimaça. Malgré ces différences, Earthea lui semblait plutôt liée. Il n’avait jamais entendu parler de quelconques conflits. Il ne doutait pas que c’était grâce au dieu. Il unissait le peuple autour de lui, et faisait que chacun ne travaillait pas pour lui-même, mais bien pour la communauté tout entière. Oui, Earthea n’était rien sans son dieu.

Cependant c’était ce même être inébranlable qui avait fait naitre Felice voleur et Eden indécis. Le blond se refuser à penser qu’ils étaient les seuls responsables de ce qu’ils étaient devenus. C’était trop gros, trop précis, trop imparfait. S’il avait pu choisir sa vie, il voulait le croire, elle ne ressemblerait pas à ça. Il aurait commencé par être grand. Oui, un grand bonhomme, le genre de type imposant qui vous fait frissonner quand vous le croisé. Il n’aurait certainement pas voulu de ce physique malingre, qu’on prenait toujours pour un petit garçon malgré ses dix-sept ans. Vie injuste. Eden lui aurait bien volontiers craché dessus.

Alors non. Felice n’avait sûrement pas à s’excuser de ce qu’il était, et quand bien même il le ferait, qu’est ce que ça changerait. C’était comme demander pardon à la société pour les bévues d’un être supérieur, et ça devenait inconfortable. Devenir un martyr n’était pas dans les plans du jeune homme, et sans doute pas non plus dans ceux de Felice.

Bien sûr que non. On est ce qu’on est. Rétorqua le blond en haussant les épaules, divaguant dans ses pensées.

Le regard de Felice le ramena à la réalité. Il sentait les pupilles du jeune homme braqué sur lui. Ça lui colla des frissons. Il détestait être épié. Comme il avait toujours été à la merci de ses émotions, les gens lisaient en lui comme dans un livre ouvert, et se savoir observer le mettait d’autant plus mal à l’aise. Il se dandina sur place, fourrant une main dans sa poche, cherchant à reprendre la conversation pour ne pas avoir à entretenir le silence.

J’suppose qu’il a fait au mieux. Ou peut-être pas. J’en sais trop rien en fait, mais si on en est là, c’est bien qu’il y a une raison. J’ai pas vraiment envie de croire qu’on est tombé dans cette vie au hasard.

Le blond se laissa tomber sur une des marches de pierres, creusée par la végétation et l’humidité qui imprégna presque immédiatement ses vêtements de toiles.

Enfin je suppose qu’on a rien d’autre à faire qu’attendre. Le destin se moque de nous. Ajouta-t-il en se frottant mécaniquement l’arrière du crâne.

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