peu aimable — solitaire — cultivé — fasciné par l'Histoire et ses mystères — peut être bien chiant quand il s'y met — intelligent — trop souvent persuadé d'avoir raison — angoissé — fuit la compagnie des autres autant qu'il la cherche — manque de courage — passé maître dans l'art du sarcasme et autres sous-entendus passifs-agressifs — complètement paniqué à l'idée d'avoir des relations sociales
don't wanna live in fear and loathing
i wanna feel like I am floating
h i s t o i r e
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Ca arrivait souvent : des Caelestis pauvres qui se faisaient jeter du haut des îles célestes, et qui venaient chercher refuge ici sans connaître le danger des terres. Les chasseurs du clan retrouvaient des cadavres de temps en temps. C'était une habitude, et on plaignait les pauvres hères nés dans le mauvais pays.
Lorsqu'il avait surgi d'un des tunnels proches de la surface, titubant, ses vêtements amples effilochés et couverts de terre, personne n'avait réussi à faire dire à Scipio ce qui lui était exactement arrivé. Cela importait peu ; les clans avaient besoin de sang nouveau, et on trouvait rarement des étrangers ayant réussi à se frayer un chemin jusqu'au sous-sol. Des nomades, parfois, mais ils étaient accompagnés. L'expression terrifiée du garçon, elle, suggérait qu'il n'avait pas été seul... jusqu'à maintenant.
Il fut aussitôt clair que son errance dans les terres empoisonnées avait irrémédiablement endommagé sa santé. Les poumons profondément atteints donnaient des inquiétudes pour sa vie, mais il survécut.
On l'adopta donc, en espérant qu'il puisse se rendre utile. Les soigneuses lui rappelaient sa mère à lui, dont il ne parlait jamais à personne, une institutrice, qui avait grandi à Cassiopeia et morte de misère et de chagrin quand Scipio avait huit ans. Un inconnu avait donné, en cachette, une petite somme d'argent à lui et sa soeur pour qu'il survivent. Son père, sans doute ? Qui était-il ? Il ne le sut pas au juste, bien qu’il eût de vagues soupçons. Et puis les soldats l'avaient pris et jeté hors de la cité avec les autres miséreux. On l'adopta, en espérant qu'il puisse se rendre utile malgré son apparente faiblesse. Il n'avait jamais été un solide gaillard à Caelestis, il l'était encore moins à Earthea...
C'était effrayant de voir les guerriers, au départ sympathiques, s'exaspérer peu à peu de sa faiblesse. Chaque fois, de la même façon. Fais un effort, Scipio. C'est tout ce qu'on te demande. Et il essayait. Et il échouait.
Caelestis devait le haïr pour doter ses os d'une pareille fragilité. Ils se brisaient si facilement, comme du verre. Scipio n'avait jamais eu de talent pour ces choses-là, et c'était pire depuis qu'il avait respiré ce maudit poison.
Sa constitution fine, ses traits gracieux, tout ça ne servait à rien dans un monde où seuls les plus solides survivent à la nature peu clémente. Là où il aurait fallu être robuste, il était frêle ; les longues marches de son Clan sous les Terres Empoisonnées le laissaient essoufflé sous le poids de l'effort. Derrière son dos, les combattants murmuraient qu'il n'avait rien à faire là. Et dans le fond, il était bien d'accord.
Mais peu à peu, sa position changea, son bagou, ses répliques acerbes, l'intelligence alerte qui s'agitait sous sa chevelure sombre, ses manières étaient égales sinon supérieures à ses confrères et consoeurs. Oui, Scipio avait beau être un gringalet acerbe, il était un gringalet intelligent, capable de bien plus de vivacité d'esprit que la majorité des membres du clan... Il suffisait de voir les rayons chargés de livres qui couvraient les quatre panneaux de sa maison, pour être bien convaincu que jamais plus érudit n'avait honoré le Clan. Il connaissait toute une variété de plantes et de créatures et aiguillait les chasseurs du clan, bien que jamais il ne réussit à gagner leur respect. On lui reconnaissait un talent certain pour régler les petits litiges, et décider d'une situation qui convenait à tous. Après tout, Earthea ne pouvait se permettre des luttes intestines. Ainsi, on garda Scipio, et on le nomma Diplomate, en charge des affaires et litiges de complets inconnus.
C'est dans les îles célestes qu'il aurait dû grandir, dans le grand ciel bleu, pas à Earthea, et encore moins dans ces grottes toxiques. Mais on l'avait chassé. Il étouffait dans ce dédale de grottes et de tunnels.
Caelestis l'avait abandonné.
UPDATE V3 -
Après plusieurs années passées à Earthea, Scipio profite de l'argent qu'il a amassé en travaillant pour la nation pour réaliser son rêve : rejoindre la troupe Nomade et étudier les Siècles Abandonnés. Il rencontre leur chefaprès quelques semaines d'errance, et reçoit son tatouage pour être intégré aux Archéologues de la troupe - malgré l'opprobre qui court sur les Nomades après la catastrophe d'Okeanos.