En haut d'une énorme bute, accroupie comme un petit singe, difficile de croire que cette silhouette humanoïde, sous tissus violet foncé, noir et rose, dirigeait toute une troupe de sentinelles, et par là même la sécurité entière d'une capitale. Une capitale au proie de mille démons. Des démons forgés par la folie des dieux. Des dieux qui avaient oublié d'être responsable, et que la nature avait épousé avec violence pour faire naitre un monde dangereux et pourtant tellement beau. Au milieu de tout ça, Yuuka. Une jeune femme de la trentaine qui avait su faire ses preuves. Une humaine, qui elle, avait épousé la Terre et sa beauté, sa folie et ses dangers, parce que c'était se sentir vivant et fort que de vivre en ces lieux. L'énorme tatouage, preuve de sa résistance, aussi petite et féminine soit-elle, témoignait de son d'esprit, de sa ténacité et elle ne cessait jamais, jour après jour, d'en étonner. On ne voyait pas son visage. Un masque à gaz, peint de rose et de noir, devenu un repère pour ses subordonnés et ceux qui partaient en mission avec elle. Même dans le chaos, difficile de ne pas la repérer. Cet objet était devenu petit à petit sa signature. Des plumes violines pendaient sur les sangles, à l'arrière de la tête. Une chevelure longue, tressée serré, le regard fixe, les muscles tendus, son corps entier était prêt à l'affrontement. Elle y laisserait probablement quelque chose. Comme à chaque fois. Un corps qui racontait son histoire. Une âme imprimée sur chaque parcelle de sa peau. Oh bien sûr d'autres femmes la regardaient de haut ou bien se pensaient plus fortes, mais peu lui importait, elle savait ce qu'elle valait. Elle esquivait par un regard vide ou un sourire discret et esquivait la confrontation, n'y trouvant rien d'intéressant.

Aujourd'hui, quelques dizaines de mètres plus bas, elle observait le nid. Ces créatures putrides, pareilles à des insectes géants, entre la tique et la fourmi gonflée, difficile de savoir, et d'un blanc immaculé qui faisait penser à une peau de lépreux. En soi, elles étaient juste ignobles au visu et l'odeur du gaz qui s'échappait de cet endroit n'en était pas moins écœurant, de quoi vous donner la nausée pour de longues heures. La période de la ponte avait commencé. Elles étaient focalisées sur les œufs et ne regardaient que peu ce qui se passait autour. Comment le savait-elle? L'habitude, mais aussi le fait que cet homme, là en bas, qui ne l'avait pas vu du fait qu'elle soit dans les hauteurs, le vent chassant aussi son odeur par le haut, et qu'elle observait. Cet homme aurait du mourir vite. Trop vite pour s'en rendre compte. Et là, ils avaient même le temps de hurler sa haine, de se relever, de tenter une défense bien médiocre...

Vesper...
Vesper le teigneux comme elle aimait à le surnommer.
Elle le connaissait. Elle le connaissait plus qu'elle n'aurait voulu en réalité, et il avait été la cause de bien des déboires dans son passé. Non pas personnel, mais plutôt sécuritaire, lui et ses ambitions, sa colère gangrénante, ses folies intérieures, une contagion de Caelestia, elle le voyait comme ça. Souffrait-il à ce point pour haïr le monde entier? A moins qu'il avait eu une énorme déception. Elle ne savait pas, ils n'avaient pas discuté. Et les choses sont souvent tellement plus compliquées qu'une hypothèse enfantine. Leur passé? Ils s'étaient surtout battus, à maintes reprises. Tantôt il avait gagné, tantôt cela avait été elle, parfois exæquo... La beauté de deux ennemis qui se foutent sur la gueule pour la puissance de deux nations. La terre et le ciel. En soi, impossible d'y trouver des points communs et pourtant. Elle lisait en lui certaines choses qu'elle ne pouvait ignorer et lui ressemblant. Des choses qu'on a pas choisi. Des évènements qui endurcissent. Le voir en sang dans ce nid de parasites géants... Que cherchait-il à faire? Avait-il vraiment atterri ici seul? Un châtiment? Une exécution? Il n'était qu'à moitié conscient de ses gestes, de son état. S'il n'avait pas été en danger, et si Yuuka n'avait pas eu plus de questions que ça, elle l'aurait trouvé pitoyable. Il l'était quelque part. Mais Yuuka avait toujours des questions et cette sale manie d'aimer prendre sur la gueule par le monde, histoire de savoir pourquoi elle se relève à chaque fois. Alors elle ne réfléchit plus. Elle prit Strunker par la peau du cou et lui murmura un dialecte à l'oreille. L'étrange canidé claqua des dents de manière très rapide et partit en trombe sur le flan de l'immense rocher en hurlant à la mort. Il attaqua une des créatures, puis un œuf qu'il éventra d'un coup de gros. Et si on jouait à la baballe!

Diversion. Ce chien bizarre était le petit bijou de la belle bouclée. Sans attendre, elle se jeta dans la descente, glissa dans un léger nuage de poussière, sa main gantée atténuante les râpage le long de la roche, pour atterrir prêt de Vesper. Il était temps. Elle le vit partir sur le coté et passant ses bras autour de lui pour le tenir debout. Elle n'aurait jamais penser l'aider de la sorte un jour. C'était.... étrange.  

Sans lui laisser le choix, elle passa le bras de l'homme plus grand et lourd qu'elle, au dessus de son épaule, pour l'entrainer du mieux qu'elle pouvait vers la cavité d'où elle était venue lors d'une ronde. C'était de là bas qu' elle l'avait entendu brailler. Et cette voix, elle la reconnaitrait entre mille. Plusieurs années qu'ils se connaissaient et plus ennemis qu'eux il n'y avait pas. Alors pourquoi le sauvait-elle? Pourquoi passait-elle outre ce conflit. Beaucoup l'auraient laissé mourir et se serait même délecté du spectacle... Elle le plaqua sans douceur à une paroi de gré quand ils furent hors d'atteinte et ôta son masque à gaz, qu'elle rattacha a sa ceinture d'un geste habituel. Puis elle le regarda plusieurs secondes, sa main sur son torse plein de sang, pour l'éviter de tomber. Pas un mot ne sortit. Un sifflement des doigts pour faire revenir Strunker et elle montra en silence l'endroit en hauteur. Il allait devoir faire un ultime effort pour se hisser. Il y avait un passage là haut, fait pour s'échapper. Ils ne pourraient de toute façon pas leur échapper en courant. Ces bestioles se repéraient à l'odeur du sang... Il en était couvert, ce qui l'inquiétait pour un autre motif aussi... Yuuka se hissa deux mètres plus haut à la force des bras, prenant appui sur la paroi et lui tendit la main, attrapant son avant bras.

- Je sais pas c'que t'as fait pour te retrouver comme ça, mais je devrais avoir le monopole sur ta mort, vu depuis le temps que tu m'emmerdes. Allez, un dernier effort, tu me détesteras plus tard.

Prenant appui sur la paroi avec les pieds, elle tira aussi fort qu'elle put, serrant les dents. Par tous les dieux qu'il était lourd.... Non pas qu'il soit gras, c'était même le contraire, il avait tout pour plaire, mais un homme sans force, c'est toujours très lourd à soulever. Le canidé sauta par dessus le soldat, d'une détente surprenante, s'accrochant aux rochets à pleines griffes.

- Strunker, choppe! ordonna la gradée. L'animal attrapa une portion de tissu sur l'épaule du blessé, et tira fort, griffes plantées dans le gré. Au loin les bestioles accourraient avec leurs pattes par dizaines... Dans un effort plus violent, elle planta son appuis sur le mur et se plia en deux pour le chopper sous les bras quand il fut assez haut dans sa montée. Un cri d'effort se faufila hors de sa gorge, et elle tira vers elle. Ce soir, elle aurait des courbatures c'est certain. Quoi c'est vrai!

▼Elle le prit à moitié sur son épaule et le bras après l'avoir hisser le long du sol, et se défit bien vite de son poids. Il était prêt. Trop prêt. Elle n'oubliait pas qu'ils étaient ennemis depuis des années, et elle ne voulait absolument pas qu'il profite de cette occasion pour l'emporter avec lui dans l'au delà. L'aider ok, mais elle n'était pas folle non plus. Tant qu'elle n'avait pas le fin mot de l'histoire, elle resterait sur ses gardes. Elle tira un peu sur la peau du cou du chien, pour lui faire lâcher prise et observa une créature qui tentait de monter le long des rochers sans y parvenir, trois mètres plus bas, voir un peu plus. Un râle de colère s'échappa de sa gorge. Ce qu'elle n'aimait pas ces saloperies... Putrides, stupides et vicelardes à souhait. Des carapaces au cerveau de choucroute. Des déglutissions ignobles sortaient d'entre leurs mandibules. Elles étaient énervées.

Et au lieu de continuer la fuite, Yuuka vit le grand brun se relever dans son état un peu plus pitoyable à chaque minute pour dégommer de cette arme étrange, qui crachait des balles, comme ils appelaient ça. Et après on s'étonnait que les iles Célestes n'étaient pas en harmonie avec Earthea. Mais s'ils avaient ces armes là, ils avaient forcément plus gros. C'était un concept que refusait Yuuka, comme beaucoup d'habitants d'Earthea. Son humeur se noircit un peu. A jouer le cow boy, il allait aggraver la situation cet idiot, sans vouloir lui manquer de respect? En fait, si, elle allait lui en manquer, parce que tout ça allait mal se finir. Elle se releva, pour lui arracher l'arme vide de son rangement, dans une des poches de ses vêtements en lambeaux, et la balança de toutes ses forces au milieu des cadavres qui allaient vite sentir fort et attirer d'autres prédateurs encore moins recommandables. Bien sûr qu'elle avait entendu ce qu'il avait dit mais elle avait préféré observer ses actions irréfléchies, avant de trouver de quoi lui clouer le bec. Il n'avait décidément pas changer. Personne n'était pourtant là pour le sauver. Personne de ses rangs, alors quoi. Il était banni? Il s'était cassé la gueule d'un transport? Non impossible. Banni... lui?

Son regard s'amincit quand elle se retourna vers lui, debout, lui à genoux plus bas, son visage à hauteur de son ventre. Elle n'avait pas énormément de qualités, mais on ne pouvait pas lui enlever une qualité: sa capacité à tenir tête à un homme avec matière. Loin, d'être impressionné et connaissant en plus l'homme à ses pieds, elle ne lésinerait pas sur la chose.

- Tu n'écoutes jamais. C'est ton plus gros défaut. Ici, tu es chez moi. Si tu veux survivre, fais ce que je te dis. Et de toi à moi...

Elle avance une main et pousse ses mèches sombres d'une main ferme sans pour ôtant le violenter, juste pour voir ses yeux, et lui parler franchement.

- J'aime t'avoir en adversaire quand tu es à ton plein potentiel. Tu es un homme et un combattant de qualité, avec de l'honneur. Quitte à mourir, fais le dignement. Te voir mourir comme un gibier faible et puant, ça n'a pour moi, aucun intérêt.

A ces mots, elle lui prit le masque qu'il avait pris préalablement, prévu ou non et lui mit sur le visage. Elle sortit une poche de cuir mou et coupa l'embout pointu, avant de logé une bande de tissu en son coeur dépassant, puis ressortit un morceau de la mèche enduite.


- Garde le sur ton visage, la fumée va tout envahir, expliqua-t-elle, en craquant une étrange pierre sur une autre au sol. Demetrio avait inventé certaines petites matières spécifiques pour allumer rapidement le feu. Les poudres de souffre contribuaient à ces facilités. Chauffées, elles s'enflammaient. La jeune Ys, se retourna en une courte seconde et balança le cocktail molotov version souffre-outre d'huile-flamme sur l'entrée de la grotte. Elle se retourna de nouveau et fit se recourber Vesper sur lui-même. C'était le moment qu'il soit davantage touché. Elle le protégea de sa cape et de son corps, même si elle est moins corpulente. L'explosion ne se fit pas attendre, projetant débris et poussières, sous les cris suraigus des créatures qui avaient tentés de rentrer. Le feu les empêchait à présent de les poursuivre. Yuuka se redressa, le masque sur le visage, mis en urgence et aida Vesper à se relever. Le sang n'est pas inépuisable dans un corps, il faudrait qu'il comprenne et qu'il arrête de faire n'importe quoi, ou bien elle avait en tête de l'assommer. Oh ça pour sûr qu'elle se ferait engueuler, mais bon, c'était un compliment venant de lui. C'était presque rituel avec lui.

Pendant de longues minutes, ils empruntèrent un long couloir en hauteur, étroit, le canidé bleuté se chargeant de flairer si le danger les menaçait ou pas. Aucune discussion. Les efforts étaient bien trop importants, même pour Yuuka, qui tentait tant bien que mal de supporter ce poids qui se faisait de plus en plus lourd. Ce ne fut que quand ils arrivèrent à un repère en contrehaut d'un petit gouffre, qu'elle ouvrit la porte de bois avec une clé plutôt imposante et se glissa avec lui dans la petite pièce. Dehors, une allée sombre, de l'air frais, et en contrebas, une petite rivière souterraine. Cet endroit ne servait que de refuge pour les égarés, ou d'endroit pour dormir aux sentinelles ou aux chasseurs qui revenaient de loin et qui n'avait plus de force. Ses jambes à elle aussi cédèrent et elle s'écroula lentement au sol, sur les genoux, amortissant comme elle put la chute du corps du soldat. Une de ses mains retint au moins sa tête qui finit en vrac sur une des paillasses simples et peu moelleuses. Mais en même temps, c'était un refuge de fortune à quelques minutes de la surface, pas un hôtel de luxe, et puis ... personne n'y venait depuis longtemps. Les rares squatteurs ne restaient jamais très longtemps et préféraient faire un effort de plus jusqu'à Demetrio.

Sauf que là, elle était avec un ennemi. Elle était avec ce Vesper, qui n'était pas n'importe qui, et qui était un excellent combattant en temps normal. Il était hors de question qu'elle le ramène à Demetrio, il finirait aux fers. Quelque chose lui disait qu'elle devait l'écouter, et puis elle aussi avait besoin d'une pause. Elle s'écroula sur le dos les bras en croix, à même le sol et reprit son souffle... Et réfléchissant aux codes des cachettes habituelles de ces lieux. Étant donné que c'était une ancienne version... refléxion, réflexion. Elle roula sur le ventre et se releva pour s'éloigner vers le fond de la cavité sans meubles. Juste trois paillasses précaires, deux tabourets, un trou vers la surface en forme de cheminée étroite et une trou avec un ancien feu de camp en son coeur, froid et humide bien sûr. Mais... Elle passa sa main gantée sur la paroi, lentement. Une zone différente, voilà ce qu'elle cherchait. Sa main frôla l'endroit. Une planche recouverte d'un crépis camouflage. Elle l'arracha doucement et prit son contenu. Le nécessaire pour des soins, en espérant qu'il reste deux trois trucs et aussi deux bols. Le tonneau d'eau était plein dans un coin. Elle partit y plonger la main.

- Tu m'expliques?▲

A la menace de son arme, elle lui avait juste jeté un vague regard, puis un autre vers le feu. A coup sûr qu'il avait morflé le flingue, vu l'explosion. Il n'avait qu'à prendre ça pour un test? Et que si l'arme fondait au feu c'est que leurs armes de là haut n'étaient pas de si bonne qualité? Oui, mais non, moche comme argument et puis ... leurs armes à eux aussi brulaient. Bon, bon... Elle avait compris, elle reviendrait plus tard quand ça se serait calmé pour voir si y'avait la rescapée ou non? Mais elle n'était pas d'accord pour autant. Et elle lui ferait comprendre plus tard.

Pour l'heure, elle s'était affairé à le trainer jusqu'au pseudo repère à moitié abandonné, en hauteur de ce gouffre caverneux, au fond duquel devaient probablement ramper de temps en temps deux trois horreurs. Toute Earthea était arpenté par bien des créatures nuisibles de toute façon. Et si les ailes de ce grand soldat étaient tombées avec lui, il devrait apprendre à marcher en ce monde comme tout habitant des Terres, et donc sans arme à feu. De toute façon, elle ne permettrait pas qu'il repende son armement nocif ici-bas. Leur peuple n'avait rien à voir avec celui d'Earthea, alors qu'ils laissent leurs coutumes défectueuses à la porte. Ils avaient leurs propres démons à combattre, pas besoin de suppléments.

La boite miraculeuse en main, elle s'approcha, les muscles en compote, et le corps éreintée. Sérieusement, c'était une manie ces derniers temps de l'empêcher de dormir mais lui, il avait fait fort. Encore une épreuve à ajouter à son palmarès de missions complètement ahurissantes, donc la pertinence restait à prouver. Avait-elle bien fait de le sauver. Pourquoi n'avait-elle pas pris le temps de réfléchir? Parce que sinon il serait mort? Et alors, aurait-il au moins fait la même chose pour elle... Une humanité qui la perdrait tôt ou tard... Mais elle tenait encore debout alors peut-être que les dieux avaient des projets autres pour elle. Écoutant les explications du grand brun, elle s'arrêta un instant debout, ouvrit la boite pour regarder ce qu'il y avait dedans. Ça pouvait le faire, tout dépendait de ses plaies. En fait, elle posa la boite par terre hors de sa portée, et tira carrément le tonneau plein de flotte sur le coté, à un petit mètre sur la droite de Vesper. Purée ce que c'était lourd ce truc. Une contenance d'environ 100 litres, le tonneau classique pas très large mais assez haut d'un bon mètre. Elle le positionna, écoutant toujours les paroles du Caelestis. L'objet se trouvait à hauteur du bassin du blessé.

- Et donc tu as été banni. C'est ingénieux ça comme plan de bataille. Faire tuer les siens dans un plan débile pour finir le cul dans un nid de prédateurs. Ça va, tu le vis bien?

Ironie, sarcasme, la totale, mais c'était de bonne guerre et aussi pour détourner l'attention. En disant ça, elle bascula le tonneau, et renversa la moitié de la flotte glaciale sur le corps du blessé. Le flot soudain aurait pour effet de le tenir éveillé et aussi de chasser toutes les impuretés les plus grosses. Elle l'avait enjambé debout, au niveau de son bassin, en faisant le geste qui allait lui valoir toutes les foudres du brun. Tant pis, elle avait connu pire.

- Et me casses pas une jambe, je te lave! Faut que je te soigne, alors serre les dents, t'avais qu'à pas faire le con. Si tu es pas violent, j'essaierai de pas t'faire mal.

A ces mots, elle pousse un peu le tonneau encore à moitié plein, s'agenouille à coté de lui, sortant sa dague de sa botte, la retourne et attrape son haut pour finir de l'entailler, du col à la ceinture, ouvre et vire sans pudeur tout déchets opportuns de son torse, passant sa main à même la peau. Le sang? Une formalité. Le contact avec les plaies? Idem. Sérieuse et rodée, elle se rapprocha de sa tête, pour passer sa main lentement dans ses cheveux, histoire de voir s'il n'avait aucune plaie ouverte, mais visiblement, il avait la caboche solide l'animal.

- A coup sûr que la moitié de tes hommes se sont barrés en cours en plus, je me trompe....? dit-elle à mi-voix en se concentrant sur sa recherche.

Il ne devait surtout pas s'endormir avec tout le sang qu'il avait perdu... Et elle y veillerait peu importe les moyens.

Le regard de Yuuka se refroidit quand le brun ouvrit encore la bouche. Une phrase. Deux phrases.... Trois... Quatre... Une de ses jambes passa alors , pied au sol, genoux vers le ciel et elle lui attrapa un coté du col tranché d'une main ferme. Le regard noir, elle tira sur le col fermement, se rapprochant de son visage, à moitié penché sur lui. Ses mots furent durs, coupants et il avait osé toucher les cordes sensibles avec un culot qui était si typique.

- Alors estime-toi heureux de n'avoir pris que l'eau. Ecoute-moi bien... Tes conneries aussi j'en ai rien à foutre. En te sauvant la vie, je me fous ton peuple entier à dos. Tes états d'âme, tu les ranges au chaud pour une autre vie ou j'te laisse crever ici. Tu ignores tout de mon passé, ne penses pas me connaitre juste parce que tu as eu un jour mon sang sur tes mains. Et ne crois pas non plus être le seul à avoir vu ta vie comme un couperet récurent qui ne finit jamais, au point qu'on se demande si demain ne serait pas le dernier. Là d'où je viens, mon propre sang m'a trainé dans la boue des années entières, juste parce que je suis une femme. Toi qui te pensais invincible, même à tes pleins moyens tu ne tiendrais pas une semaine chez nous. Vous autres Caelestis êtes trop affairés à vous admirer vous-même, vous et vos petits problèmes de querelles internes, pour apprendre à observer, à écouter... Tu es impulsif, borné, agressif, imbu de toi-même, et tu espérais qu'ils te suivraient alors que tu n'avais que ta propre ambition pour nourrir leur motivation collective. Il n'y a que les dieux qui peuvent se le permettre.

Elle le relâche sur le sol et se redresse, droite, froide et dominante, bien que de carrure inférieure, l'effet était le même, ne le lâchant pas des yeux.

- Et tu n'en es pas un. Si tu as échoué, c'est que tu n'étais pas prêt. Tu es allé trop vite. Tu es trop confiant. Constamment. La nature apprend tout ça, mais vous, la nature là haut vous ne connaissez pas, vous la rejetez comme une imperfection, alors qu'il n'y a rien de plus beau... Sache que les seuls à pouvoir battre un géant, ce sont les parasites, organisés, discrets, implacables. Mais ça non plus, tu ne l'es pas. Tu n'es qu'une boule de nerf haineuse, aveugle, qui n'a plus que sa voix pour pleurer. Ou gueuler. Crois-tu toujours que je doive te sauver? Ou préfères-tu que je t'achève...? Fais un choix maintenant, parce que si tu décides de vivre, ce sera avec nos règles, dans notre monde et si tu oses te servir de mes hommes ou de ceux de ce monde pour ta propre vengeance, je jure sur le dieu Earthea, que même à plein potentiel, tu ne seras plus.

Elle se lève et l'observe sans scrupule de haut en bas.

- Tu dis n'avoir rien à faire de mon avis ou de ces bestioles et pourtant tu aboies quand je jette ton arme au feu. Elle aussi est absolument obsolète, revoies tes priorités. Tu as perdu du sang, tes heures sont comptées. Pour la première fois de ta vie, ordonnes ton esprit et penses comme un homme et pas comme une bête. Tu valais mieux que ça, il fut un temps.  

Elle ôta sa cape et commença à la lacérer en longues bandes violines, les gestes précis et nets, sa force présente et revenue. Il l'avait irritée, il allait devoir assumer maintenant. De son coté, Strunker s'était assez à coté de l'épaule gauche de Vesper et lui sentait l'épaule. Puis il se coucha, probablement habitué à l'autorité argumentative de sa maitresse. Il savait que ce n'était pas contre lui, qu'elle en avait, donc il s'en foutait. Et puis bon, l'homme à coté, il avait pas l'air si dangereux tout coupé de partout. Il sentait bon d'ailleurs.