Lourde. Cette bête était sortie vers la forêt racinière. Elle avait osé venir chouré du bétail à des voyageurs et un petit animal de compagnie. Impossible de se tromper, les empreintes étaient nettes. Accroupie sur le sol avec son binome du jour, la chef sentinelle avait pris la décision de la traquer elle-même avec un de ses hommes, un des meilleurs. Un ami de longue date qui la respectait comme si elle était un homme, et Yuuka appréciait lui rendant bien son respect. Au moins 200 kilos, cette saloperie devait être affamé après la naissance de possibles petits et elle venait probablement faire son stock. Aucune autre explication n'était possible. Ces créatures là, ne mangent pas tant sauf quand elles doivent nourrir une portée. Et la sadisme faisait partie de ses créatures, mais quand elles tuaient pour le fun, elles n'emportaient pas les proies avec elle. Le soucis était que là, ça faisait trop. Cette femelle n'était pas du tout la bienvenue, et Yuuka n'avait pas envie qu'elle se rapproche davantage des galleries de Demetrio et n'embarque un enfant ou autre chose. Trois hommes avaient déjà été blessés. D'un regard assuré, les deux sentinelles se mirent en traque en courant , l'arme le long du corps, leur capuche rabattue sur le nez, en silence. Entre les arbres, de longues minutes, bien une heure, à repérer les empreintes, les arbustes brisés, les odeurs âcres d'une bestiole  qui laissait son odeur sur les arbres comme pour marquer son territoire, sauf qu'ici... elle n'était pas chez elle. Elle allait dégager vite fait bien fait.

Au détour d'un rocher son binôme la siffla, distinguant un mouvement de quadrupède. L'animal les avait senti. Rusé, loin d'être idiot, il se faufila dans des bosquets épineux qui les griffèrent avec amour. Le binôme râla, tout comme Yuuka en silence. Une autre silhouette, puis plus rien. Tiens bizarre. Elles n'étaient pas deux si? Pourvu qu'il n'y ait pas la portée et qu'en fait elle ait élu domicile ici en douce. Les yeux de la jeune chef filèrent sur les cimes pour suivre les oiseaux qui s'envolaient et se remit à courir avec son collègue sur les talons. Et c'est là qu'elle aperçut un gamin sauter devant la fameuse bête, bien balaise pour son espèce, sauver une espèce de petit créature, un félin de visu. Pour ensuite repartir, et vers eux, sans se rendre compte. Ils allaient se croiser , c'était parfait. La créature dans un rugissement suraigu, montra son désaccord et se mit à la courser. Aussi vite pouvait-il courir, il aurait péri s'il avait été suivi sans aide.

Le regard des deux sentinelles se plissa, courant à vive allure sur la créature. Elle n'aimait pas ça, cette saleté avait de grandes dents quand même. Elle allait encore se faire mal, et puis elle commençait à s'essouffler, et elle n'était pas la seule, mais tant pis. le boulot c'était le boulot. Leur cape fut rabattue sur une épaule en pleine course. Gestes appris, aguerris, chacun sortit son arme. L'homme avait un long katana et Yuuka son yari à la lame qui valait bien celle du katana aussi. Ils croisèrent le gosse à pleine vitesse, l'un à gauche, l'autre à droite, et leur capuche tombèrent avant même le choc. La poussière éclaté sur le sol terreux au milieu des racines. Le premier à atteindre son but fut l'homme, lardant l'animal en pleine gueule. Il tenait mutuellement l'embout d'une chaine et dépassèrent rapidement l'animal blessé par les flancs pour lui faucher les pattes. Après quoi, Yuuka planta la yari au sol, pour s'en servir de volte face. Les acrobaties, personne ne doutait plus du singe. En un tour de lance, elle repartir dans l'autre sens en dérapant , s'aidant d'un arbre, alors que l'homme faisant de même et les lames se plantèrent dans la créature avec une violence non discutable, le sang giclant des ouvertures sous un mugissement de la bête, qui se débattait, balançant crocs et griffes en tout sens. Elle était franchement moche de base, mais là c'était crade. "La gorge" gueula la jeune Ys. L'homme fit un signe de la tête et se jeta sur la bête en gueulant sauvagement, lui attrapant le dessus de la tête pour la tirer violemment en arrière en dépit du débattement. Yuuka se retourna et le yari à bout de bras pour éviter les griffes qui battaillait en tout sens, la lame passa dans le cou comme dans du beurre, étouffant le dernier beuglement du prédateur, qui gerbait un mucus noir et dégueulasse sur ses pompes...
Ah ... mais... non... pourquoi... La petite rouquine grimaça un peu en dégueulant un pied, les mains tremblantes de l'adrénaline et son binome hurla de sa victoire. Des fous. Yuuka sourit en retour. Un jour avec les sentinelles. Putain ce qu'elle aimait ça. Elle poussa ses cheveux de son poignet et posa son yari contre un arbre, reprenant son souffle, une main sur le ventre, cherchant des yeux le jeune fugitif. Soit il n'était pas loin, sois il avait fui et elle espérait qu'il ne lui arrive pas autre chose. L'homme descendit du dos de l'animal mort et arracha un morceau de cuirasse comme trophée.
- Une bonne chose de faite, dit la jeune chef. Il faudra envoyer une patrouille pour trouver la tanière.
- Ouais. Le gosse il est où? C'était lui l'ombre tout à l'heure, tu crois, ou bien y'a autre chose...?
- Je sais pas du tout, répondit-elle perplexe en regardant vers les sous bois. puis elle haussa la voix. Hey! Tu peux sortir si t'es là, c'est fini!

Yuuka prit son Yari et tira une étoffe vieille rugueuse de sa ceinture pour essayer la lame pleine de sang. Si Okeanos devait faire une étude ADN de ce tissu, à coup sûr qu'elle y trouverait bien cinquante espèces différentes. Elle ne l'avait jamais lavé en profondeur. Suffisamment pour qu'il ne pue pas et qu'il ne pourrisse pas, mais sinon, il gardait cette teneur rouge rosé typique des tâches de sang. Le tissu passa sur la lame lentement, et elle ne vit pas arriver le gosse. Ce fut l'homme qui lui tapa doucement sur l'épaule, du style, hey regarde.

Les paroles du gamin firent plissés les yeux à la chef sentinelle. Petit inconscient. Son collègue rattrapa le coup et écarta les bras, bonne humeur de mise.

- Hey bah mon p'tit gars, t'as eu franchement du bol. Tu peux lâcher cette bestiole, c'est fini, elle va retourner chez elle !

Yuuka se retourna et le regarda de haut en bas, très sérieuse:

- Tu t'es égaré? Tu n'as pas la tête d'un chasseur. Écoute, ce que tu as fait est complétement idiot. De toute façon, cette forêt est bondé de prédateurs. L'espèce que tu tiens est une espèce de gibier très courante ici. S'il ne meurt pas sous cette bestiole, ce sera sous une autre. En revanche, toi, tu n'as qu'une vie. Tu es quoi, un genre de naturaliste fou, ou bien un égaré? Dans les deux cas, tu mériterais que je te secoue! On ne ballade pas seul ici à moins d'être aguerri en survie! On en a ramassé mort qui était plus costaud que toi.

Diplomatie, zéro. Yuuka savait dirigeait une troupe d'hommes, organiser, élaborer des stratégies, mais en aucun cas, elle ne savait parler aux gens. Et puis les adolescents c'était tellement compliqué. Elle n'était pas méchante, mais se manifestait fort mal aux autres. Son binôme plissa un oeil et prit le gamin par l'épaule:
- Ce qu'elle veut dire c'est que c'était pas super malin de mettre ta vie en jeu pour cette petite ...
Temps de perplexité à la dénomination du gibier bizarre dont il ne retenait jamais le nom. Il était sentinelle lui, pas chasseur. Du moment qu'il avait à bouffer dans son assiette, il se foutait bien du reste en fait.
- Chose. Aussi courageux que tu puisses être.

Yuuka considérait son collègue d'un air accusateur. Comment ça, elle s'exprimait mal? Il voulait un coup de yari le bougre? Heureusement qu'elle le connaissait bien et qu'il était comme un petit frère pour elle... Elle se contenta d'émettre un vague grognement vers le gosse. Très féminin. L'homme rit un peu et montra une direction de son katana.

- Demetrio c'est par là. Prend les tunnels marqués de bleus sur le sol pour y aller. Te plante pas ou tu risques bien de mourir cette fois gamin.

La petite rouquine s'approche du gamin et prend l'animal par la peau du cou pour le reposer au sol et ce dernier s'enfuit pour s'engouffrer sous un arbre.
- L'ordre des choses est ainsi. Et nous sommes sensés être en haut de l'échelle alimentaire. Sauf si bien sûr tu veux toi aussi être du gibier? Dit-elle avec une certaine ironie en le regardant en coin, haussant un sourcil. Elle se redressa et commença à s'éloigner.
- On y va, il rentre avec nous. C'est quoi ton nom gamin et tu viens d'où?