La nation terrestre, Démétrio et ses allées, sa verdure et tout ses habitants aux regard farouches ; cela faisait un petit moment que Dastan n'était pas venu ici. Presque une année à vrai dire, mais les rues de la ville lui étaient encore assez familères pour ne pas qu'il se perde. Il déambule en sifflant une comptine pour enfant, il a le temps. Le temps avant de devoir entamer la mission pour laquelle il a été envoyé ici ; juste quelques jours à se fondre dans la masse, à observer la population et les généraux à l'oeuvre. Hayden a-t-il retenu sa leçon ? Dastan sourit.
Il sortit de la ville à pied, à la recherche de l'auberge mouvante Cochlea ; il adorait y séjourner, le fait de ne pas savoir où est-ce qu'il se réveillerait au matin l'amusait beaucoup. Heureusement pour lui, il ne mit pas très longtemps à la trouver.
Une fois sa chambre payée, Dastan prit le temps d'observer son environnement ; des cernes se dessinaient sous ses yeux et il eut soudain l'air perplexe.
En quelques secondes, il montait les escaliers quatre à quatre, suivant la vision chimérique de quelqu'un qui n'aurait pas du être là. Une porte après l'autre, il s'excusa du dérangement, se prit un savate en pleine poitrine et reçu une proposition qu'il n'aurait pas refusé en temps normal.
Puis, au bout de quelques tentatives infructueuses, ses doigts se posèrent sur une énième poignée et dans un soupir, il ouvrit la porte.
« Rozen. Bordel de merde ! Qu'est-ce que... » Il restait figé, trop surpris pour continuer, les yeux écarquillés, tentant vainement d'analyser ce qu'il avait sous les yeux.

Il cligne des yeux, passe la main sur son visage et, dans un soupir, referme la porte sur eux ; le monde dehors disparaît quelques instants. Dastan est immobile, à l'entrée, il fait face à un spectacle qui le laisse amer et ses pensées restent creuses, silencieuses. Rien ne sort de sa bouche pendant si longtemps qu'on croirait qu'il a oublié comment parler.
«Il me semble que c'est à toi qu'il faut poser cette question Général.... »  Un soupir lasse, quelque chose gronde au fond de lui, quelque chose qui n'a rien de civilisé ; il passe ses mains sur son visage et le frotte, comme pour effacer la fatigue qui le tiraille.
Sa carcasse reste planté dans l'entrée, sans que Dastan ne puisse déterminer s'il doit s'approcher ou fuir. Cette situation est irréelle, elle n'aurait jamais du arriver. Du moins, pas aujourd'hui. « Comment as-tu pu te retrouver dans un état pareil enfin ?! »
Son ton hausse, d'un seul coup ; il se rend compte qu'il est en colère, contre elle, contre celui ou celle qui l'a mis dans cet état et surtout, contre lui-même de ne pas savoir quoi faire d'autre que de rester là et râler.

Dastan, statue presque immobile, de marbre ou d'onyx, se mord la lèvre nerveusement. Dans sa tête l’asphyxie guette, elle l'enrobe, elle lui fait perdre tout discernement. Il a envie de lui hurler dessus... «  Une petite altercation ?? Enfin Rozen, tu n'es pas censée avoir de « petite altercation », tu n'es même pas censée être là !!  »  Son ton est lourd, rude, presque autant que le regard qu'il lui lance.
Il se tient la tête, grogne, râle, piétine à cette porte, sans savoir si il doit sortir de cette chambre ou y rester et cette sensation étrange d'être coincé dans une situation où il ne voudrait pas être.
La fatigue le ronge minutieusement et d'un œil accusateur, il la regarde panser ses blessures ; un soupir, ses traits se détendent lentement. À quoi bon ? À quoi bon s'égosiller alors qu'elle a déjà visiblement reçu une belle raclée.

Son cœur se serre doucement, il a de l'affection pour elle, de la compassion, des sentiments sincères qu'il s'efforce de garder invisible, comme avec chacune des personnes qu'il apprécie. Elle n'est pas rien, pas un vulgaire soldat qu'il ne connaîtrait ni d’Adam, ni d’Ève. Et il voudrait être doux, il voudrait être compatissant, il voudrait savoir quoi dire savoir comment la prendre dans ses bras, comment lui parler pour ne pas avoir l'air d'un gros con. Mais il ne fait que l'observer d'un œil noir, alors que l'embarras se lit dans ses yeux quand elle lui demande de l'aide.
Pas un son ne sort de sa bouche, il reste juste là, les mains sur le visage, sévère et ça dure un temps infini comme ça.
Pour que finalement, un soupir après l'autre, Dastan fasse un pas en avant et attrape les bandages. « Donne moi ça grmblr... »
Il s'assied à côté d'elle, sans lui jeter un seul regard et entreprend de nettoyer correctement la plaie, avec délicatesse. Le bandage mit, il observe son oeuvre d'un œil satisfait puis regarde enfin le visage meurtri qu'arbore la Rousse. « On peut pas te laisser seule une seconde en fait, il faut que t'aille te faire ratatiner... Un vrai gosse.»
Il n'esquisse pas de sourire, mais son ton est bien plus doux et il a ce regard désarmant.

Dastan se désole, un soupir à nouveau vient heurter ses lèvres. Quelque part il a mal, mal de la voir en si mauvaise état. Elle est si abîmée sa jolie générale. Un sentiment égoïste s'empare de lui, il en est blessé ; si peu de tendresse au fond, tout ce temps. Du bout des doigts, il vient effleurer le bord du bandage et puis sa joue. Tout râpée, toute écaillée, elle a du sang séché sur le front, sur le nez, et lui ne fait que soupirer.
L'homme se mord la lèvre, il ne sait que faire de tout ça, de toute cette effervescence au fond de lui, alors il rationalise, il intériorise. Les yeux dans les yeux, jamais de détour, il lance calmement « j'espère que tu n'as pas fait que l'égratigner...» Il sourit doucement mais sa colère reste sourde.
Qui est cet homme si infâme qu'il se permet de battre presque à mort une femme ?
Une femme ? Dastan secoue la tête, il hausse les sourcils. Elle n'est pas une femme, elle est générale de l'armée de Caelestis, elle est un soldat, un chevalier, un guerrier. Elle surpasse de loin bon nombre d'hommes de l'armée. Et pourtant... Et pourtant tout ce qu'il arrive à voir en cette instant, c'est son corps abîmé, presque de la fragilité. Il se flagelle mentalement pour toutes ces pensées, pour son manque de respect.
Il met ça sur le compte de la fatigue qui fait cligner ses yeux sans arrêt. « Rozen, dis moi qui est ce "lui", que je sache qui t'as rendu aussi moche.»
Il veut savoir, à tout prix, ça le ronge lentement comme une gangrène, toute cette haine. Mais rien au dehors, juste un léger sourire, un brin mutin et une plaisanterie idiote. Et delà de tout, il refrène, cette envie délictueuse qui grandit en son sein même en cette heure délicate.

Il la regarde, de haut en bas, esquisse un sourire calme et attend. Il attend que l'orage se tasse dans sa tête, dans son cœur. Il attend une réponse, sévère et tendre tout en même temps. Il sent l’hésitation de Rozen à répondre, il la voit dans ses yeux grands ouverts ; et ça ne présage rien de bon, ça ne lui fait que plus mal au cœur. Qui peut-il être pour qu'elle fasse tant de mystères ?
Il la fixe, circonspect, sans dire un mot, et de sa main, vient prendre délicatement son menton, relevant sa tête. « Rozen, donne moi son nom. »

Dastan peut, s'il le veut, trouver sans trop de difficulté le nom qu'il lui manque. Il suffirait d'un appel passé, d'une visite chez un ami et de quelques documents et il saurait. Mais c'est d'elle, et d'elle seule, qu'il voulait apprendre cette information. Il voulait lire dans ses yeux ce que représentait ce nom si difficile à prononcer, qu'elle jouait à l'anguille face aux questions. Il ne lance pas de plaisanteries salaces, pas de blagues idiotes pour contrebalancer le sérieux de sa question. Il attend.
La patience qui ne l'étouffe pas d'ordinaire devient tout à coup sa principale vertu et sa main libre file vers un coton imbibé alors qu'il entreprend de nettoyer une plaie rouverte sur son front. Et il est si près.

Dastan décroche sa main, relâchant le menton de la jeuen femme délicatement. Il la regarde et continue silencieusement d'essuyer avec soin, chaque traces de sang sur son visage. Sa colère ne s'apaise pas, elle ne fait que se mettre au repos, comme une bête monsrueuse ronflant dans les tréfonds d'une caverne qui restera là jusqu'à ce qu'il soit soulagé de sa fureur. Ça le tiraille jusque dans sa mâchoire, qu'il serre, qu'un sourire étire, un sourire monstrueux sous l'ombre d'un regard noir. Vesper.
Ce nom sonne dans sa tête où quelques souvenirs poussiérieux remontent en toussant des tréfonds de sa mémoire. Ça lui dit quelque chose mais rien de bien concret. En rentrant, le Bras-droit cherchera.
« Je... Respecte ton besoin de garder certaines choses secrètes Rozen, mais si tout Caelestis le recherche, comme tu l'as toi même dis, alors tu ne pourras pas m'empêcher si l'envie m'en prend, un jour d'aller le trouver pour lui défoncer la tronche. »
Il souffle, soupire, repose son coton sur le lit et vient coller sa bouche dans un baiser furieux aux lèvres de Rozen. Il est en colère, fatigué, il se fiche qu’elle ait mal, il veut juste se défaire de cette lourdeur qu'il ne supporte pas. Il passe sa langue sur une petite fissure au dessus de sa lèvre et sourit, enfin : « Mais pas tout de suite. Pour le moment il faut te rafistoler. »
Il s'affaire, jette les produits utilisés, l'aide à finir ses bandages et tout terminé, il la regarde avec ce petit sourire amusé qui lui donne ce charme de crétin si particulier : « Tu ressembles à une momie. Un momie sexy, mais une moment quand même . » Et il pouffe, détendant l'atmosphère. Mais il n'oublie pas, il n'oublie rien. Loin de là.
Il rendra Justice un jour, mais pas tout de suite, pas maintenant ;

D'abord, Rozen.

L'atmosphère s'apaise peu à peu, Dastan se détend en notant à quel point il était crispé. Il a serré si fort ses mâchoires que sa bouche craque, qu’elle est douloureuse. Il se prend dans la contemplation des bandages blancs qui recouvrent le corps de Rozen. Bientôt ils ne seront plu blanc, et il faudra les changer. Peut-être allait-il remettre sa mission à plus tard, peut-être vaudrait-il mieux qu'il reste là, pour... Pour quoi au juste ? Veiller sur elle ? L'aider peut-être, la soutenir ou l'amuser... Ou peut-être l'empêcher d'y retourner ?
Il se méfiait de cet homme et de cette emprise qu'il avait entraperçu dans les yeux de la jeune femme.
Elle avait déjà agit irraisonnablement une fois, pourquoi pas deux.
Il sourit, s'allonge à moitié dans le lit, le dos collé au mur, rieur. « Si tu me jettes une malédiction, je serais obligé de me venger... Et t'aimerais trop ça. » Il pouffe, attrape un coussin, le jette en l'air. « Bien sur que je reste, de la bouffe que j'ai pa spayé, j'vais pas dire non. Et puis tu vas pas réussir à manger sans moi ma petite momie, je vais devoir.... » Il rapproche son visage tout près, et fait mine de l'embrasser pour finalement lui donner une pichenette sur le nez « prémâcher ta nourriture. »
Beurk. Il tire la langue et sourit. C'est décidé, il reste ici.

Le repas emplis le pièce d'une odeur chaude et agréable, l'estomac de Dastan trouve ce moment propice pour grogner. Il est presque surpris par sa propre faim et le grondement qui s’échappe de ses entrailles le fait éclater de rire. Il est prit d'un fou rire si violent que s'en est presque impossible de se relever. Il Pleure, s'arrête de rire, puis recommence, pendant cinq longues minutes. Jusqu'à ce qu'enfin, Dastan s'apaise. Il essuie les larmes de ses yeux et soupire un grand aaah.
Il en avait besoin je crois.. De rire franchement . « J'arrive. » Il se lève et s'étire, puis se rassied, sur la chaise cette fois. L'odeur de la bouffe est vraiment trop alléchante et il observe la quantité de nourriture avec plaisir. Miam pense-t-il en salivant.
Puis Dastan lève son verre : « Je bois à ton rétablissement... » Son sourire est si doux, si plaisant qu'il en deviendrait presque dangereux. Puis, un clin d'oeil passé, il ajoute « Qu'il soit rapide pour que je puisse à nouveau passer ma main sur tes cuisses. »
Il souffle et goutte le vin. Dastan est redevenu Dastan. La tempête est passée. Du moins, pour le moment.
«  Je devrais te punir pour me priver comme ça, c'est tellement égoïste. » Crétin. Il fait la moue, semblant de pleurer et sourit, encore et encore. Le vin est bon, il hoche la tête, ses pensées s'estompent, la fatigue le cerne.

Dastan et la bouffe, une grande histoire d'amour. D'ailleurs en parlant de ça, il a quelqu'un à aller voir tant qu'il est ici. Un petit sourire, un petit souvenir, il souffle, amusé. Puis tranquillement, la nourriture vient s’amonceler devant lui. La gastronomie Earthéenne ne surpassait pas celle de la Nation Céleste. Mais elle avait ce goût un peu brut que Dastan trouvait agréablement dépaysant. « On a déjà commencé, à partir du moment où tu t'es mise à tripoter mes cheveux amoureusement. » La simple pensée de la caresse dans son cou lui arrache un frisson de délice. Il commence à manger, comme un affamé, comme si il avait subit la disatte et la famine. « Demain on ira au marché, acheter de quoi faire en sorte que rien ne s'infecte. Ce que tu as ici ne te suffiras pas. »
Il passe d'une remarque sérieuse à une remarque idiote comme on enfile une chaussette puis l'autre. Seul son visage peut témoigner de la différences d'importance des sujets, et encore faut-il savoir le décrypter. Il boit et mange à une allure impressionnante et à peine une dizaine de minutes plus tard, il a déjà terminé d'engloutir son repas. « Je m'en voudrais que tu sois infectée et que ça repousse encore plus notree prochaine douche.»
Il rit, et s'affale sur la chaise, repu.

Il se lève, tout s'achève. Un bâillement plus tard, il est déjà sur le seuil de la porte, à regarder Rozen s'enfoncer dans son lit avec difficulté, comme un animal blessé irait lécher ses plaies au fond d'une tanière. Le dédain dont elle a fait preuve a refroidit le peu de tendresse qu'il arrivait à exprimer et il se dit que c'était bien fait pour lui. Ainsi ne prendra-t-il plus le temps d'être compatissant. Il soupire, pour Rozen, pour toutes ces choses qu'il ne sait pas faire, pas dire. Pour son esprit chevaleresque mit à mal, pour son incapacité à être sérieux quand il le faut et cette manie qu'il a de faire des sous-entendus idiots. « Rentre vite dans ce cas. » Il a cette impression étrange de jouer une partie de chat perché avec elle. Ça le fait sourire doucement, hausser ses épaules. « J'y vais, j'te laisse tranquille petite momie. Si t'as besoin... »
Dastan ne finit pas sa phrase. Peu importe. Et il disparaît derrière la porte, traverse le couloir qui le mène jusqu'à sa chambre. Il entre et se laisse finalement glisser le long de la porte. Les yeux rivés au plafond, il réfléchit. Il ne dormira pas, du moins pas tout de suite, sa tête est bien trop encombrée, il doit faire le tri.