Non, non ces derniers jours de retour n'avaient pas été une sinécure. Non, il n'allait pas particulièrement bien, Dastan était très fatigué, il avait les yeux rouges et un hématome au visage parce qu'il s'était lamentablement pété la tronche en étant totalement bourré. Il était de mauvaise humeur, il grognait presque plus qu'il ne parlait. Et toutes ses journées étaient emplis de paperasse et de tâches qui n'étaient pas ses préférées.
Si d’ordinaire, il était plutôt libre de ses mouvements, ces derniers temps ce n'était pas le cas. Et quand il avait du temps libre, il noyait sa frustration dans l’alcool. Il n'avait même pas eu le temps de partir à la recherche d'informations sur ce fameux Vesper.
Comme un zombie, il arpentait les couloirs du palais en direction de la salle du trône. Et au détour d'un couloir, quelqu'un lui rentrait dedans, comme pour ajouter à son agacement une dimension supérieure. Il attrapa avec vivacité le bras de la jeune femme titubante et lui lança un regard noir avant de réaliser... « Tu me fais du rentre-dedans maintenant ? »
Il sourit mais tout ce qui s'imprimait dans sa tête c'était une Rozen blessée, puis une Rozen triste, et ses larmes. Il la lâcha comme si sa peau état devenue brûlante.
Dastan se gratta la tête et ajouta : « Tu ne m'as pas dit si tes blessures avaient guéries.... »
Il la fixait d'un drôle d'air, elle, sa bouche et ses seins. Peut-être lui avait-elle manqué plus qu'il n'y paraissait...

Dastan détaillait, un sourcil haussé, la jeune femme qui se tenait devant lui. Et avec un pincement au cœur, il ne put que constater qu'elle dérivait lentement vers l'instant où elle ne serait plus que l'ombre d'elle-même. Il ne savait que faire ou que dire face à l'évidence d'un malaise, face à l’évidence de sa perte de poids. Et à cette lueur absente dans ses yeux.
Il se dit que... Qu'avant tout ça, ils étaient amis, qu'avant les blessures et la peine, avant, c'était facile. Avant. Alors au nom de tout ça, il arrêta soudainement de n'être qu'un gros con égocentrique, il pouvait bien faire ça. Pour une fois, juste une seule fois. « Arrêtons là les politesses. C'est ridicule. » Ferme est son ton, le sourire doux, il se passe la main sur le visage, en essayant d'effacer quelques pensées qui le taraudent. Il n'y a rien de naturel dans cet échange et ça lui pèse sur la poitrine.
Dastan n'aime pas ça. Alors au diable la paperasse, ça attendra, au pire il se fera taper sur les doigts et ce ne sera certainement pas la première ni la dernière fois. Il attrape la main de Rozen et la serre avec force, puis il sourit, taquin, juste avant de basculer en avant son buste et de récupérer la jeune femme sur son épaule, tel un sac de pomme de terre. Ainsi la tient-il fermement pour ne pas qu'elle s'échappe. Les pointes de son armure s'enfonce doucement dans sa peau mais il n'y prête pas attention. « Allez femme, allons nous promener. » Et en sifflant, il traverse le château, Rozen sur l'épaule et un petit sourire dans les yeux, en direction de l'extérieur.

Il relâche son emprise, libère la « princesse » kidnappée pour qu'elle puisse reprendre un peu de contenance. La tranquillité des jardins apaise le cœur et l'âme, et leur beauté est indéniable. Dastan pousse un soupir, posant ses mains derrière sa tête, les yeux rivés sur un bosquet d'arbustes fleuris. À quel moment la communication est devenu si compliquée ? Il regarde d'un œil suspicieux la jeune femme rousse au teint clair et penche la tête sur le côté. Il hoche la tête et suit d'un pas léger le sillage au parfum délicat de ces questions personnifiées. Elle est jolie cette rousse, allongée sous l'arbre, avec ses yeux doux et sa mélancolie. Dastan soupire, en proie au lyrisme. Ca ne lui ressemble pas alors il s'allonge à son tour, pose son coude au sol et sa tête sur sa main, un sourire amusé sur le visage : « Hm. » Il arrache un brin d'herbe et vient délicatement tracer les contour du nombril apparent de Rozen avec. « Cette armure ne m’aide pas à garder la tête froide... » Il rit, et s'allonge finalement entièrement, les bras derrière la tête, fixant la faîte de l'arbre sans trop savoir quoi dire. Alors dans un soupir il lance : « J'aurais aimé que tu me dises que tu avais guéri. » Oui, il aurait aimé avoir des nouvelles, parce qu'il s'était tout de même un peu inquiété en rentrant. Dastan tourne à nouveau la tête vers la jeune femme et cette fois-ci, la fixe sans ciller, le regard lourd. « Mais ce que j'aimerais par dessus tout, c'est comprendre à quel moment y a eu une telle couille pour que tout ce que tu arrives à me demander c'est «  pas trop de travail » ? » Il sourit, presque triste et ajoutes finalement : « Ou peut-être que je me fais des idées et que tout va bien... J'en sais rien finalement. »
Puisque tu ne dis rien, que je ne dis rien, qu'on ne se dit rien. Peut-être sa démarche était-elle juste égoïste finalement, peut-être tout ça n'avait rien avoir avec lui, ou avec elle...

Il faut une hésitation avant la réponse, Dastan a le cœur lourd. Depuis quand les choses sont-elles devenues si commpliquées ? Depuis quand se soucie-t-il d'autre chose que de lui-même ? Il passe une main dans ses cheveux, rageur, frustré comme un gamin qu'on aurait mis au coin. Un immense soupir s'échappe de ses lèvres entrouvertes et dans un rictus, il serre les dents. Après oui, après. Comme lui s'est dit aux funérailles. Plus tard. Mais l'après ou leplus tard ne vient jamais si l'on est lâche. Et s'ils ne s'étaient pas croisés au détour du couloir, combien de temps encore aurait-il duré, ce plus tard ?
Il ne sait que dire à l'entente de la nouvelle. « Je repars » dit-elle et lui clôt finalement ses yeux. À quoi ça sert ?
La sensation délicate contre sa bouche lu fait rouvrir ses mirettes ; il cherche une issue. Ses mains s'agrippent avec force aux bras fins de la Rousse, et il rend le baiser avec plus de force qu'il ne le voudrait. Ses lèvres s'entrouvrent automatiquement et il goûte avec plaisir à la douceur qu'il désire tant.
Ses doigts caressent avec délicatesse la peau blanche que son armure laisse libre, du haut vers le bas.
Avide, les paupière fermées, il se décolle et dépose un baiser sur le front de la jeune femme. « Si j'étais gentil, je dirais que je n'aime pas quand tu restes loin trop longtemps... Et si j'étais honnête, je dirais que tu m'as manqué .... »  Il se décolle et pouffe, riant tant avec ses yeux qu'avec sa bouche. « Mais comme je ne suis ni l'un ni l'autre, je préfères te dire que j'ai toujours autant envie de toi et te proposer un circuit dîner et jeux entre adultes. Disons... Ce soir ? »
Il lui fait un clin d’œil, en se disant qu'il profitera tant qu'elle est là. Et quand elle s'en ira, il retournera se noyer dans l’alcool pour ne rien assumer.

Dastan ne manque plus de souffle, il respire, enfin. Il n'a plus envie fuir finalement, il se sent à nouveau.. Lui. Mais si il faut qu'elle soit là pour qu'il soit lui, alors qu'adviendra-t-il quand elle s'en ira ? Tout à l'heure, demain ou dans un mois. Et il se rend compte que ça lui fait peur, que ça lui fait peur depuis le début. Depuis bien avant la douche et tout le reste, depuis bien avant Rozen, il a peur. Peur d'être seul. La peur inavouée d'un gamin délaissé aux portes d'un temple.
Mais Rozen est encore là, le Bras-droit n'est pas seul. Son souffle s'apaise, il caresse doucement les cheveux de la Belle. Il frissonne, réagit instantanément aux baisers, aux caresses et il sourit, bienheureux. « Si t'as peur que je t'empoisonne, tu n'auras qu'à t'occuper de la partie dîner ? Et moi du reste ? »
Tu parles d'un gentilhomme, il se défile. Mais soit, il est content. Content d'avoir crevé l'abcès, alors il fera un effort ce soir. « Et moi je n'aime pas les cachottières. »
Il sourit, taquin et ramène Rozen vers lui pour l'embrasser. Il joue avec ses cheveux, s'en fait une moustache et rit à nouveau. D'ici quelques minutes, le temps reprendra son tour et ils finiront leurs tâches chacun de leurs côtés . Mais la promesse de la soirée qui s'annonce rend l'attente moins éreintante.