À Caelestis, les rumeurs filaient à la vitesse de l’éclair. Cette journée-là, une d’entre elles poussa la curiosité du général en dehors de sa tanière. Sans réellement noter le long périple qu’il dut travers, Hayden se retrouva  dans les Usines Armis , lieux où plusieurs métiers étaient pratiqués dont son favori : le métier de forgeron. Selon les rumeurs, une femme entretenait une boutique ce qui était vraisemblablement rare. Ce métier était souvent perçu comme étant uniquement fait pour les hommes. C’est donc avec curiosité que le blond avait pénétré la boutique de celle-ci, se laissant enjôler par un accueil chaleureux. Or, ses traits restèrent figés comme de la glace alors qu’il amorçait lentement une conversation.

-Bonjour, certaines rumeurs m’ont mené vers une boutique entretenue par une femme courageuse.

Sur le coup, Hayden semblait menaçant, mais plus le temps avançait et plus elle risquait de s’habituer à son timbre de voix.

-Le métier de forgeron est pourtant grandement recommandé aux hommes et non le contraire.

Son air réprobateur était trompeur, surtout que ses yeux caressaient rapidement les alentours. Des quelques armes qu’il avait repérées, aucune ne semblait de piètre qualité. Était-elle vraiment l’investigatrice de ses créations? Hayden ne le savait pas et c’est ce qu’il désirait vérifier.

-Mais bon, ce n’est pas très important je suppose. Tant que vous êtes en mesure de me servir convenablement.

Rien que par sa stature, elle pouvait probablement deviner le grade du général ou du moins, en avoir une idée.

-Je me cherche une épée et j’aimerais savoir ce que vous auriez d’intéressant à me proposer.

C’était le moment ou jamais. Le test ultime entre une catégorisation négative ou neutre. De toute manière, tous les ateliers étaient banales à Caelestis. Outre, les grands forgerons qui faisaient des armes de plus en plus médiocres au fur et à mesure que leurs clientèles augmentaient, il n’y avait que des boutiques de moyennes ou faibles qualité. Ainsi, le général ne s’attendait à rien de prometteur si ce n’était que de satisfaire sa curiosité.



©Cain

Les iris du général suivaient attentivement le moindre geste que la femme effectuait. Étrangement, elle semblait être en train de l’examiner, mais ses gestes étaient très révélateurs. Il n’y avait aucun doute qu’elle savait pertinemment ce qu’elle faisait surtout que ses moindres paroles inspiraient une confiance assez élevé. Elle semblait maîtriser son art surtout qu’elle était en mesure de distinguer l’arme de prédilection du chevalier. En effet, celui-ci se battait récemment à l’aide d’une épée à une main. Or, sa vraie force résidait dans les armes à deux mains. Par sa prestance, sa stature et sa stabilité, il avait toujours su manier ce genre d’armes avec brio. Pour le moment, ses acquis étaient impressionnants. Nul besoin de spécifier que les iris du blondinet se mirent à briller lorsque ses yeux caressèrent l’arme en attente de sa finition. Rien qu’à ce stade de sa création, celle-ci semblait être de plus grande qualité que la majorité des armes crée par les principaux forgerons de l’armée.

-Pourquoi m’avoir proposé une claymore?

Aucun signe de satisfaction ne trahissait la bonne humeur qui envahissait son être. Il était curieux de savoir si elle avait réussi à réaliser ce prodige par chance ou par pure coïncidence. Plus important encore, Hayden voulait tester l’arme. Il n’était pas rare qu’il décide de tester la résistance de l’épée dès la première prise en main et bien souvent, les lames se brisaient avant qu’elles n’aient atteint le stade du vrai test.

-Sinon, cette épée est assez lourde, mais sa résistance reste à vérifier.

Effectuant une série de devoirs sur l’arme, il l’observa, la caressa et la pesa comme s’il était un expert en la matière. Depuis sa naissance, il avait vu des milliers d’épées de ce genre. Le nombre d’entre elles qu’il avait manié était légèrement inférieur, mais restait toutefois élevé. En résumé, il s’y connaissait en la matière.

-Voyons voir.

Reculant pour manier l’arme à sa guise, il testa la dextérité que lui procurait cette claymore. Le tout était très satisfaisant pour une arme aussi lourde. Or, ce n’était que le calme avant la tempête. Sans prévenir, Hayden leva l’arme avant de l’abattre violemment sur le sol. Lors de cette attaque, seuls 80 % de sa force avait était employé et déjà il se faisait repousser par la puissance du choc. Sur le coup, ses mains tremblaient alors que l’arme était encore intacte.

-Je dois admettre que je me vois surpris par la solidité d’une arme nullement complétée…

Hayden était bouche bée et légèrement sonnée. L’impact n’avait pas été si dérangeant. En fait, il ne comprenait pas comment une arme d’un aussi haut calibre pouvait se trouver dans une boutique comme celle-ci.

-Qui êtes-vous?

Hayden avait du mal à croire qu’un tel forgeron était passé inaperçu depuis tant de temps. Son travail était beaucoup trop de qualité pour qu’elle œuvre pour tout le monde en général. À son calibre, elle devrait travailler pour les hauts gradés…

-Et surtout, de quelle famille provenez-vous?

Son regard était méfiant. Lentement, il reculait pour s’adosser contre un mur, attendant impatiemment une réponse. Il redoutait quelque chose…comme si un 6e sens lui disait qu’elle avait quelque chose à cacher.




©Cain

En laissant filer ses paroles, Hayden avait oublié d’y appliquer un filtre. Ainsi, ses propres mots se retournèrent contre sa personne alors que même son cynisme usuel semblait s’être joint au camp adverse. Le tout fut même suivi de remontrances et d’un ordre. En bref, cette femme n’avait pas la langue dans la poche et elle n’était pas nouvelle. De par l’aisance à laquelle elle dictait sa loi dans son magasin, le général comprenait qu’elle avait l’habitude de servir des soldats. Obéissant docilement, il préparait l’arrivée de la tempête. Il était hors de question qu’il fasse le pantin plus longtemps. C’était l’heure des présentations.

-Je suis le général Hayden Knight.

Ne s’attendant pas à ce que son statut soit suffisant pour imposer sa stature dans la boutique, le chevalier s’attaqua directement à sa cible.

-Vos habiletés de forgeron sont dignes de mention. Par contre, je ne me serais jamais douté qu’une Fahnova serait devenue forgeronne d’autant plus que c’est un métier qui est généralement préféré par la classe moyenne.

Ses premières observations commençaient à frayer leur chemin alors qu’il n’était qu’en train de s’échauffer. Plus il parlait et plus son sourire révélait un être malsain, voire même dangereux.

-Mais je ne comprends pas pourquoi vous ne travaillez pas directement pour le royaume. Faire des armes pour n’importe qui ne vous convient pas. Vous avez beaucoup trop d’amour pour votre métier…

Se calmant, il prit le temps d’apprécier le moment avant d’enfoncer d’un seul coup ses paroles venimeuses dans l’esprit de son opposante.

-À moins que vous tentiez de fuir votre sang noble …

Cette fois-ci, il allait loin et il le savait, mais ce n’était que le début du spectacle qu’il tentait de créer.

-À moins que … vous ne soyez pas aussi talentueuse ou que vous n’ayez pas confiance en vous.

Laissant planer un moment de silence, son expression sereine se transforma pour aborder un aspect un peu plus péjoratif.

-Quoiqu’il en soit, je vous remercie de vous soucier de mes conquêtes féminines, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse.

Plongeant son regard dans le sien, il martela ses paroles avec tant d’intensité qu’il était facile de comprendre qu’il ne plaisantait pas.

-Si vous êtes suffisamment forte pour me parler ainsi, j’espère que vous serez en mesure de remplir ma demande.

Quelques secondes s’écoulèrent, le temps qu’elle respire.

-Êtes-vous apte à me faire un trésor royal ?

La demande d’Hayden n’était pas mince. En fait, de nombreuses armes représentaient des trésors qui étaient préservés bien souvent par la royauté et par leurs grands soldats. Esel faisait partie d’un des heureux élus à posséder une arme unique en tout point. Or, en situation de combat, une arme de haute qualité donnait tout de même un désavantage au blondinet. C’est pour cette même raison que cette idée lui était venue en tête. Il savait que les armes ancestrales étaient souvent de vieilles armes de guerre qui étaient reconnues par l’aisance à laquelle elles avaient fait leur preuve à travers le temps. Or, la qualité et le charisme que cette femme dégageait puaient le talent. Il prenait un grand risque de lui demander une telle chose, surtout par la manière qu’il l’avait fait. Or, il était prêt à prendre ce risque pour avoir une réponse possiblement positive.



©Cain