IT WAS BECAUSE YOU SAW IT THAT THE LIGHT WAS BORN.

« Eden. Supplia la femme d'une voix suave.
– J’ai pas envie.
– Eden.
– Non ! Fiche moi la paix.
– Eden ! » S’écria un voix plus rauque, plus dure aussi, en provenance de la pièce voisine.

Le petit blond sursauta en entendant son père s’énerver. Il était seul dans la cuisine avec sa mère qui arrangeait tant bien que mal les cheveux du garçon gesticulant. Lorsque son époux hurla le prénom de leur fils depuis le séjour, elle se contenta de soupirer, posant une main affectueuse sur la joue du jeune homme avec un regard suppliant que l’insolent interpréta sans mal. Elle le suppliait pour une fois de faire un effort. Agacé, il se contenta de détourner la tête pour fixer ses mains, enchevêtrant nerveusement ses doigts les uns avec les autres. Lors qu’elle eut fini de rentre son fils présentable, sa mère passa un châle aux couleurs passées autour de ses épaules étroites et l’invita à se lever. Comme Eden ne réagissait pas, elle lui donna une petite tape tendre sur le bout du nez. Vexé, il se leva en secouant ses cheveux en guise de provocation, et passa devant sa mère le menton haut en replaçant son chapeau au sommet de son crâne. Le père les attendait dans le couloir. Lorsqu’ils apparurent, il se contenta d’ouvrir la porte et sortit en silence.

Eden était furieux. Sincèrement hors de lui, et il le faisait savoir. Ses pieds ne décollaient pas du sol, élevant un nuage de poussière sur son passage. Les mains enfoncées dans ses poches, il suivait le mouvement en soupirant bruyamment. Ses parents avaient encore complotés dans son dos. Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi ils s’obstinaient autant à vouloir lui faire aimer la médecine. Ça ne l’intéressait pas. Ils avaient beau lui promettre que cet homme était passionnant, et qu’il en apprendrait beaucoup, le petit blond s’en moquait, il voulait simplement qu’on le laisse vivre sa vie comme il l’entendait. Son père marchait en avant, fier et sec comme à son habitude. Eden se trainait derrières lui tandis que sa mère fermait la marche, sifflant de temps à autre pour intimer à son fils de se tenir correctement. Après avoir bien correctement couvert ses chaussures de cuir de la poussière ocre des rues de Démétrio, Eden et ses parents finirent par atteindre la bâtisse dans laquelle ils avaient rendez-vous. Son père tapa à la porte qui finit par s’ouvrir sur homme massif. L’espace d’un instant, l’étudiant oscilla entre crainte et fascination devant la carrure du Chef Botaniste qui tendait une main vers lui, un large sourire étirant ses lèvres.

« Bonjour, je suis Drogrien Uder, mais tu peux m'appeler Uder, enchanté ! »

Hésitant un instant, Eden se contenta de retirer son chapeau d’une main et de saisir celle d’Uder de l’autre, serrant les doigts avec fermeté. En guise de réponse, il se présenta à son tour d’une voix neutre. L’homme l’invita à pénétrer dans sa maison, ce que fit Eden à contrecœur, tandis qu’il s’entretenait quelques minutes avec ses parents. Sa mère lui caressa légèrement la nuque en guise de salut, salut qu’il ignora sans remords. Elle était complice des manigances de son père, et le blond ne pouvait le lui pardonner.

L’intérieur de la maison était chaud. L’air moite apportait des relents de plantes séchées et autres cataplasmes. Cela rappelait à Eden le temps où sa mère travaillait à temps plein à la maison, lorsqu’il était encore petit garçon. Attendant sagement son hôte, le jeune homme déambulait dans l’entrée, étudiant l’intérieur et les meubles sans vraiment s’y intéresser. Uder finit par reparaitre, toujours souriant. Eden se contenta de le fixer dans les yeux, sans expression particulière, simplement parce qu’il ne voulait pas baisser la tête ni fuir son regard. Ses doigts s’activaient nerveusement sur le tissu de son chapeau, malmenant le couvre-chef auquel il tenait tant.

« Ta mère m'a dit que tu aimais les plantes, et c'est alors que je me suis mis en tête, de vouloir t'apprendre ce domaine des plus fantastiques ! »

Le blond leva les yeux au ciel. Sa mère était bien prompte à lui inventer des passions. Il se contenta de hausser les épaules.

« Ma mère raconterait n’importe quoi pour vous faire gober que je suis un garçon intéressant. Mais le fait est que vous allez perdre votre temps avec moi, et vous me faites perdre le mien. Laissez moi partir, mon père n’en saura rien, on y sera gagnant tous les deux. »

IT WAS BECAUSE YOU SAW IT THAT THE LIGHT WAS BORN.

Un silence suivit la proposition d’Eden. L’homme face à lui se grattait pensivement la barbe tout en le dévisageant. L’espace d’un instant, le blond se prit à penser qu’il allait accepter. Pourtant la réponse tardait à venir. S’impatientant, le garçon se dandina sur place, piétinant avec agacement. Uder l’étudiait depuis un instant déjà, une expression amusée étirant ses traits. Une bouffée de rage saisit le plus jeune. Il était presque certain qu’il se moquait intérieurement de son physique rachitique. Il s’apprêtait à faire une remarque désobligeante à son ainé mais celui-ci le devança.

« Hmmmm.... je vois je vois... »

Eden eut un mouvement de recul en voyant une main s’approcher brusquement de son visage. Son réflexe trop lent ne lui permit pas d’esquiver la chiquenaude qu’il lui assena sur le bout du nez. Humilié, le jeune homme porta ses deux mains à sa figure pour l’en recouvrir, tandis que des larmes montèrent spontanément aux coins de ses yeux azurs. Il en était ainsi à que fois qu’on l’atteignait au visage, la honte plus que la douleur le faisait presque pleurer. Uder éclata de rire.

« Tu n'es qu'un enfant, n'essaye pas de faire ton grand avec moi, tu ne seras pas gagnant ahahahahahaha. »

Eden était furieux. Essuyant d’un geste vif les gouttes salées qui perlaient ses paupières, il lança un regard assassin au barbu et ouvrit grand la bouche pour riposter par des cris, comme à son habitude. Uder ne lui en laissa pas le temps. Il se mit en marche et se dirigea vers une pièce attenante. Boudeur, le blond resta un instant dans l’entrée, déterminé à ne pas obéir aussi facilement. Lorsque la voix de son ainé résonna depuis l’atelier, Eden céda. Il replaça son chapeau tout froissé au sommet de son crâne, ignorant la politesse qui voulait qu’on se découvre la tête à l’intérieur. De mauvaise grâce, il s’empressa de le suivre, peu enclin à rester seule dans cette maison qu’il ne connaissait pas. Et encore moins à essuyer une nouvelle tape.

« Sache que c'est moi, qui ait fait la demande de vouloir te former, car je suis à la recherche d'un apprenti au fort caractère et tu remplis toutes les conditions. Tu es prêt à savoir, à quoi servent ces plantes ? Attention si tu réponds de façon négative, tu auras le droit à une autre pichenette ! »

Et voilà, ça recommençait. Monsieur avec décrété qu’Eden serait son apprenti, mais qui lui avait demandé son avis, à lui ? Il serra les dents et les poings alors qu’Uder commençait son exposé, lui présentant une première plante. Le blond l’ignorait purement et simplement. Il ne pouvait supporter qu’on le traite encore comme un gamin sans cervelle. Le monde semblait persuadé qu’il était dépourvu de conscience. Cet homme ne sortait pas du lot, son père avait du l’avertir de la réticence du garçon. Par ailleurs, les herbes qu’il s’évertuait à lui montrer, il les connaissait déjà. Puisqu’il séchait plus que régulièrement les cours, il avait du temps pour aider sa mère, il lui fallait bien quelques bases en botanique pour ne pas faire n’importe quoi. La tête renfoncée dans ses épaules, il bouillait, montait lentement en pression jusqu’à ce qu’il soit exaspéré au point d’éclater à nouveau. D’un geste empressé, il heurta la main d’Uder pour en déloger les plantes qu’il tenait. Celles-ci se rependirent au sol, aux pieds des deux hommes. Aussi vite, le blond recula d’un pas pour se mettre hors de portée des mains de son hôte.

« Que ce soit vous ou mon père, vous ne me ferez pas changer d’avis. Je l’ai dit, redit, tout ça ne m’intéresse pas. Qui m’a demandé mon avis à moi ? Je ne veux pas apprendre la médecine, ni la botanique. Vous n’êtes qu’un sbire au service des lubies insupportables de mon père et je ne me laisserais pas faire. S’emporta l’étudiant en frappant le sol du pied, décidément incapable de se calmer. Son visage était rouge de colère. Marquant une courte pause pour reprendre son souffle, il reprit d’une voix plus calme, presque implorante. Je ne veux pas qu’on décide pour moi, vous ne pouvez pas le comprendre ? La seule chose que j’ai envie de faire avec vos fichues plantes, c’est de les brûler, les noyer, ou que sais-je encore. » Il était bien embarrassé d’avoir à faire un tel cirque devant le chef botaniste, surtout vis à vis de sa mère, mais cet homme n’était à ses yeux que l’image déportée de son père, et il ne pouvait rester silencieux et docile face à lui.

Uder ne dit rien. Il ne sembla pas s’offusquer pour les plantes qu’Eden avait rependues au sol. Son visage demeurait impassible, neutre. Le blond serra les dents, effrayé à l’idée de ce que pouvait dissimuler un tel calme. Pourtant, l’homme ne montra aucune colère. Il se contenta de s’asseoir en tailleur, à même le sol couvert de pollen. Dubitatif, le garçon ne bougea pas. Il se contenta de dévisager son interlocuteur, cherchant toujours à déceler la moindre émotion. S’il avait été son père, sans doute sa joue aurait-elle fait la rencontre de sa main droite.  Cela dit, s’il avait été son père, Eden ne se serait pas permis une telle insolence, en connaissance de cause précisément.

« N'ai crainte, je ne faisais que rigoler. Bien sûr que tu as le droit d'être libre, par exemple je te laisse la liberté de partir d'ici, si tu ne veux pas apprendre de choses sur l'univers des plantes. »

Eden se crispa un peu, déboussolé par le changement de discours d’Uder. Que devait-il faire ? Partir et le laisser ici, assit par terre ? Il n’en était pas certain. Hésitant, il ouvrit la bouche mais la referma aussitôt, à court d’argument. Il se sentait stupide. Maintenant qu’on lui laissait le choix, il était incapable de décider de ce qu’il voulait faire. Alexius avait raison, il n’était vraiment qu’un gamin indécis. Agacé par cette constations, il renfonça sa tête dans ses épaules alors que son ainé reprenait d’une voix plus basse.

« Tu sais Eden... j'étais comme toi avant, jusqu'à ce que j'apprenne l'univers des plantes... »

Qu’essayait-il de lui faire gober ? Que les plantes changeaient la vie des gens ? La mâchoire du blond se déforma sur une grimace méprisante. Au même moment, la voix de son frère sembla résonner dans ses oreilles. Que lui avait-t-il dit déjà ? Que s’il ne s’intéressait à rien, il ne trouverait jamais sa voie. Cet argument, Eden l’avait approuvé lui semblait-il. Le blond porta ses mains à son visage et tritura un instant ses joues pour s’éclaircir ses idées. Uder, Alexius, ils avaient tous raison, et même si cela coûtait à l’étudiant de l’admettre, il ne pourrait pas passer sa vie à attendre que le pain lui tombe dans la bouche. Il poussa un soupir résigné et se laissa tomber sur le sol face à l’homme barbu. Les mains reposant sur ses cuisses, le dos rond, il baissa les yeux, un peu boudeur.

« Comment vous étiez ? Je veux dire, avant ? »

Qu’était-il arrivé à Uder pour qu’il se prétende « comme lui ». Le blond avait hésité à poser la question. N’allait-il pas paraître indiscret ? D’un souffle, il repoussa une mèche dorée qui avait atterri devant ses yeux. Son index glissa sur le parquet, traçant une ligne irrégulière sur la couche jaunâtre de pollen qui s’y était déposé. Il finit par rencontrer un fragment de plante qu’il avait faire tomber un peu plus tôt. Il le saisit et l’observa un instant, songeur. Il n’avait jamais détesté aider sa mère avec ses décoctions. Il appréciait ces matinées passée dans la cuisine en silence, à écouter la respiration du grand-père depuis le séjour tandis qu’il triait les feuilles séchées avec elle.  L’odeur forte des végétaux qui le répugnaient tant lorsqu’il était petit garçon avait finis par lui plaire.

« Très bien, très bien, je veux bien rester juste pour cette fois-ci, histoire qu’on ne dise pas que je juge sans connaître. » Finit-il par grommeler, le regard fuyant. Il désigna le fragment qu’il tenait entre les doigts avant de poursuivre. « Et désolé, pour ça. »

Il sourit. Uder adressa un sourire à Eden. Un sourire chaleureux, sincère. Le blond ne put s’empêcher de penser que cet homme était vraiment trop gentil. Pour demeurer aussi calme et impassible face à son attitude irrespectueuse, il fallait forcément être gentil. Il baissa les yeux, mal à l’aise. Il n’avait pas vraiment l’habitude qu’on tolère et pardonne si facilement ses accès de colère. Habituellement, il était puni ou remis à sa place sans grand ménagement. Cela ne faisait qu’augmenter encore sa rage. Là, au contraire, il était décontenancé par l’attitude de son ainé. Il se sentit honteux, immature et mal élevé. Fixant obstinément ses pouces pour ne pas avoir à croiser le regard du Chef Botaniste, il écouta poliment l’histoire de celui-ci.

« Avant j'étais rempli d'une rage incommensurable suite au décès brutal de mon père. Je ne souhaitais que sa vengeance, peu importe quel en était le prix même si je devais en mourir de ma vie. Cependant m'a mère qui était remplie d'une sagesse sans fin, m'avait remis dans le droit chemin en m'exilant chez l'ancien chef botaniste qui m'a tout appris de cela et m'a fait devenir une bonne personne... »

Sa voix était légèrement tremblante, presque plus aigue. Son ton détonnait un peu de l’image qu’avait pu se faire le blond depuis son arrivée ici. Il semblait soudain immensément triste et embarrassé. Surpris, il releva la tête pour étudier le visage d’Uder, mais celui-ci fixait obstinément le sol. Eden releva un sourcil, interpellé par ce brusque changement d’attitude. Où était passé le colosse au visage lumineux qui lui faisait face un instant plus tôt ?

« Je reviens, je vais au petit coin prépare toi pour apprendre, mon jeune garçon ahahahaha ! »

Il se redressa gauchement et disparu. Le garçon cilla, toujours assis par terre. Quel drôle de bonhomme. Un peu déconcerté, il se redressa à son tour et entreprit de rassembler les fragments de plantes qu’il avait rependu sur le sol. Il les replaça en un petit tas propre sur la table. Il faillit sursauter quand un coup violent retentit dans une pièce voisine, faisant trembler les murs de la bicoque. Lorsque que le Chef Botanique refit son apparition, son visage était neutre, fermé. Dans sa barbe, une petite gouttes luisait, prisonnière. Avait-il pleuré ? Le jeune homme se mordit une lèvre, partagé entre l’inquiétude d'avoir posé une question trop indiscrète et le mépris pour cet homme si fort d’apparence mais assez faible pour aller s’effondrer en larme dans les toilettes. Eden pleurait, mais jamais de tristesse ou de peur, seulement d’humiliation.

Néanmoins, il se contenta de garder le silence, estimant qu’il avait été assez désagréable pour aujourd’hui. Uder s’appuya avec nonchalence contre son plan de travail. Eden s’approcha à petit pas, les mains dans les poches.

« Quelque chose te plait dans les herbes ? Que veux-tu apprendre dans cet univers, si vaste ? »

Il se contenta d’hausser les épaules. Il n’avait aucune idée d'où commencer ni de ce qu’il était censé apprendre.

« C’est vous le maitre, à vous de me dire. Je n’ai jamais réfléchit à ce genre de chose… »

Il prit un instant supplémentaire pour réfléchir, triturant de son index une tige sèche qu’il avait ramassé un peu plus tôt. Elle finit pas se briser sous les assauts du blond, et se rependit en fine particule sur le sol.

« En fait, j’aime assez faire des décoctions, les mélanger, les goûter, mais je n’ai jamais réfléchi à leur utilité, je fais ça au hasard, pour m’amuser ou pour aider ma mère, c’est tout. »

Une expression de désapprobation fila sur le visage de l’homme. Eden leva les yeux au ciel, anticipant la remontrance.

« Tu sais, il faut faire attention à ne pas tout goûter sans réfléchir, tu pourrais tomber sur quelque chose de mortel pour toi ! »

« Oh, pas d’inquiétude à avoir à ce sujet, il en faut bien plus pour m’abattre. » Ironisa-t-il.

Evidemment, il ne goûtait pas sans réfléchir. Sa mère l’avait plusieurs fois averti sur les dangers de certaines plantes. Elle n’était pas inconsciente au point de laisser ses fils s’amuser avec les baies et autres feuilles sans leur expliquer auparavant lesquelles étaient mauvaises. D’ailleurs, elle prenait garde à ne jamais ramener de plantes nocives à la maison, à moins d’y être contrainte. C’était particulièrement vrai lorsqu’Eden et son frère étaient petits. Uder s’esclaffa. Un peu vexé qu’il le prenne pour un stupide gamin inconscient, il ne répondit pas, préférant esquiver une nouvelle dispute. Plus vite le maitre botaniste aurait-il terminé son exposé, plus vite il serait libre de partir.

Uder n’ajouta rien. Il s’assit à nouveau à même le sol. Le blond l’imita, se positionnant sagement face à son professeur. Il désigna un brin familier à l’étudiant qui ne tarda pas à le reconnaître. Il s’agissait de l’ortie. C’était bien la plante la plus basique. Qui plus est, Eden avait un second souvenir lié aux orties. Il se revit enfant pousser vicieusement son frère jumeau dans un bouquet plante urticante. Le pauvre Alexius en était ressorti couvert de piqûres. Le plus jeune s’était sacrément fait gronder. Il se retint de pouffer en se remémorant son grand-frère sortir du buisson tout larmoyant, la peau zébrée de marques rougeâtres. Pour se prémunir de toute irritation, Uder portait quant à lui une paire de gants en cuir.

« Je suppose que tu connais cette plante qui est l'ortie. Penses-tu qu'elle dispose d'effets bénéfiques ou est-elle simplement urticante ? »

« Elle a le bénéfice de faire taire ce cafard d’Alexius.» Songea le blond en souriant malgré lui. Bien sûr, cette réponse n’intéressait pas Uder. Il fit mine de réfléchir un peu, bien que connaissant partiellement la réponse, observant la plante aux feuilles dentelées hérissées de petits poils urticants.

« Il me semble qu’on peut les utiliser pour calmer les douleurs inflammatoires et articulaires, je me trompe ? » S’enquit-il en laissant reposer sa joue contre sa main, l’air endormi.

Uder sourit, visiblement satisfait de la réponse. Il prit tout de même le temps d’ajouter quelques informations complèmentaires à propos des personnes âgés et de leurs problèmes rénaux. Eden se demanda si Uder était concerné par ce genre de pathologie, non sans en rire intérieurement. Il parvenait difficilement à donner un âge au chef botaniste. Il était sans doute assez jeune, mais avec sa barbe et sa carrure impressionnante, il dégageait une aura très adulte, bien plus adulte que celle de son élève. Galvanisé par son succès, le gamin croisa les bras et redressa le menton. C’était trop facile !

« Pour toi, que signifie le mot botaniste ? »

L’étudiant ouvrit un œil, puis l’autre, abasourdie par la question. Il ouvrit la bouche pour répondre acerbement qu’il était ici pour connaître les plantes et non par pour rédiger un dictionnaire, mais un vive douleur le fit taire instantanément. Le maitre botaniste venait d’effleurer la peau du plus jeune à l’aide de ses orties. Le contact avait été bref, mais il avait suffit pour que les épines venimeuses de la plante ne déversent leur contenu urticant. Le blond poussa un hurlement de douleur en chassant nerveusement la main de son maitre pour l’éloigner de lui. Un tache rougeâtre apparu sur l’épiderme du garçon qui frottait frénétiquement l’endroit de la piqure qui soulager le prurit.

Uder hurlait de rire. Ce maudit bonhomme s’en roulerait presque par terre. Furibond, Eden grattait avec toujours plus d’énergie la zone enflammée tout en fusillant du regard l’homme. Ce dernier se redressa pour ranger les orties.

« Ne prend pas cela, à la légère mon garçon ou tout ceci se retournera contre toi ! »

« Mais vous allez pas bien ma parole ? Pourquoi vous avez fait ça ? » S’égosilla le garçon. « Je refuse d’apprendre dans ces conditions, vous n’êtes qu’un cinglé, j’aurais pas du me laisser embobiner. Vous devriez savoir que toutes les plantes ne sont pas bonnes à fumer ! »

Il se leva tout en frictionnant son bras douloureux. Il comprenait la douleur d’Alexius, dire qu’il s’était fait piquer sur tout le corps ? Eden se trouva soudain cruel. Au final, Uder n’avait fait que le piquer un tout petit peu. Mais c’était tellement puéril ! Il n’évait plus huit ans. Furieux et vexé de s’être laissé avoir, il fit quelques pas en rond autour de la pièce en grognant des insultes inaudibles. Lorsque ce la démangeaison devint trop insupportable à force d’être grattée, il se retourna en pleine rage vers le bonhomme.

« Mais vous attendez quoi ? Vous êtes botaniste oui ou non ? Vous devez bien avoir de l’oseille ou je ne sais quoi pour me soulager alors qu’est-ce que vous attendez ? »

Eden frottait douloureusement sa peau irrité avec le remède fournit par Uder. Son attention fut captée lorsqu’il lui proposa de lui apprendre à en réaliser. Enfin quelque chose de plus intéressant que la théorie qui l’ennuyait tant. La botanique c’était comme la cuisine, et depuis le temps qu’il jouait avec les plantes, il avait appris à aimer ça. Son professeur disparut vers une pièce attenante. Le blond se leva d’un bond, abandonnant la mixture apaisante et le suivit d’un pas rapide. L’homme installé devant un grand plan de travail en pain manipulait diverse plantes utiles à la confection de médicament et autre baume. Incapable de voir par dessus son épaule de par la différence de taille, le garçon contourna la table et s’installa face au Chef Botanique, la tête reposant grossièrement sur les paumes de ses mains. Il observa un long moment Uder mélanger, écraser, presser les plantes dans un ramequin avant de broyer le tout avec un mortier.

« Vous permettez que j’essaye ? » Demanda-t-il en se couchant en travers de la table pour atteindre les plantes sans attendre l’accord de son maitre.

Il saisit une grosse poignée d’oseille, de citronnelle et quelques racines de consoudes qu’il entreprit de broyer avec application. Lorsqu’il eut fini, il pilonna les feuilles pour en extraire la pulpe qu’il mêla ensuite à la poudre précédemment réalisée. Il mélangea la pâte verdâtre obtenue avec un peu d’eau pour la rendre un peu point compacte. Lorsqu’il fut satisfait de la texture, il goûta sa préparation et la tendit à Uder, sans un mot. Pour une fois, il se plia à la critique et accepta de refaire la préparation autant de fois que ce fut nécessaire jusqu’à atteindre un résultat satisfaisant. Il quitta l’atelier bien après midi, fourbu, les bras ballant après s’être autant acharné sur le mortier, mais avec la sensation plutôt agréable d’avoir apprit quelque chose d’intéressant.