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Esel parut scandalisé.

« Enfin... Vous ne pouvez pas... En territoire étranger... »

Il était hors de question qu'il se laisse emporter dans une entreprise aussi absurde ! Il ouvrit la bouche pour protester mais le reste de ses objections se perdit dans sa gorge alors qu'il croisait le regard de la jeune femme.

Les yeux de la Reine de Caelestis racontaient plusieurs choses, qu'Esel avait appris à retenir à force de la côtoyer et de protéger sa vie au fil des ans ; premièrement, qu'elle n'avait aucune patience pour ceux qui osaient lui tenir tête ; deuxièmement, qu'elle obtenait toujours ce qu'elle voulait, dûsse-t-il se déguiser en joueur de banjo itinérant et unijambiste si les circonstances l'exigeaient. Elle avait déjà établi un plan d'action, et il semblait que la caractéristique « vol de biens matériels appartenant à autrui » dans les choix des munitions ne lui posait pas de problème moral. Il soupira. « Bon, très bien. Dites-moi juste quoi faire et je le ferai. »




« Au revoir, madame ! N'hésitez pas à revenir » salua la vendeuse du magasin de vêtements d'un ton enjoué. Le propriétaire du costume traditionnel fraîchement acheté marmonna un « ouais, c'est ça, au revoir » à peine audible en réponse avant de quitter la boutique.
Esel avait rarement regretté une décision avec autant d'intensité.

Il avait revêtu ce qui ressemblait à un kimono traditionnel d'Earthea, bien qu'il doutait de la qualité de son achat au vu des bords élimés du vêtement. Ne connaissant pas les tailles des habits Earthiens, il avait choisi au hasard. Il avait dû retrousser quatre fois les manches de son kimono et foudroyait du regard quiconque osait le regarder trop longtemps.
Le voile qui allait avec son costume couvrait les trois quarts de son visage et Esel commença à soupçonner qu'il avait confondu le costume masculin avec son homologue féminin, d'ordinaire dédié aux rituels réservés au dieu d'Earthea. Il crevait de chaleur.
Le Champion fit trois pas en avant, se prit les pieds dans ses vêtements et s'écroula lamentablement face contre terre. Quelques passants se retournèrent vers lui : avec une grande dignité, Esel se remit d'aplomb. Il souleva les pans de son kimono, comme une véritable mariée, et entreprit de les découper avec son épée. Ainsi raccourci, le tissu lui offrait-il une bonne liberté de mouvement, et on pouvait facilement dissimuler un objet dessous.

« Ces hardes étrangères sont... bizarres », finit-il par lâcher. « Bon, on va voir ce marchand ? »

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Et comme toutes les aventures commençant par un « bon, très bien » résigné, ce fut une sacrée connerie.

Esel acquiesca, après avoir écouté le plan de Mihael. Il n'était pas un expert en stratégie de toutes façons, il laissait les autres les faire à sa place. Le plan de la Reine semblait donc infaillible.

« C'est comme si c'était fait, Majesté. »

Il n'avait aucun doute sur les aptitudes de Mihael pour ce qui était de courir rapidement. Esel mit son capuchon et, tel un assassin scred', se fondit dans la foule massée autour de l'étal, son propre kimono se noyant dans le fleuve de tissus parme, magentas et orangés. Ces Earthiens s'y connaissaient en tissus chatoyants. Peut-être était-ce l'habitude d'un peuple qui vivait sous terre de mettre de la couleur là où il n'y en avait pas.

Il reconnut la pierre que Mihael convoitait et s'en approcha sans un bruit, débarrassé de ses atours clinquants. L'ambiance était la même que tout à l'heure, bruyante, et surtout vivante, animée par les négociations des badauds. Une aubaine pour Esel qui approcha la main du précieux trésor... et la retira instantanément, sentant le regard suspicieux d'une vieille femme peser sur lui. Il pesta intérieurement, faisant mine de s'intéresser à une étoffe brodée. Dès que la femme eût détourné son regard indiscret, Esel profita de la distraction du marchand pour arracher le cristal à son précieux socle. Il trouva sa place à l'intérieur de l'étoffe qu'il portait, soigneusement calé sous son bras mais dissimulé sous l'ample tissu de son vêtement.
Par Caelestis, que c'était bon d'être un brigand !

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Essouflé, pantelant, il s'arrêta dans un coin éloigné du marché, son butin sous le bras. La pierre commençait à lui peser, et il espérait que Mihael avait réussi à semer ses poursuivants. Elle ne tarda pas à arriver, toujours riante comme si elle ne venait pas de commettre un vol en territoire étranger. Cependant, la joie de l'instant fut éclipsée par une préoccupation beaucoup plus importante.

« Elles sont dans mon sac, et j'ai bien peur qu'il faille que j'aille me changer rapidement. Des gens m'ont peut-être vu, je ne peux pas me permettre de rester comme ça. »

Il était quasiment sûr que des gens l'avaient vu dérober le cristal - après tout, ce n'était pas un objet que l'on mettait comme ça dans sa poche - et il ne tenait pas particulièrement à rester dans les parages. L'endroit était beau, mais savoir qu'on avait le poids d'une montagne au-dessus de la tête en permanence... brr.

« Ce n'est rien, Majesté. Comme j'ai dit, vos désirs sont des ordres. » Il ressentait une petite once de remords, bien dissimulée dans un coin de son esprit, hors de la couche du devoir. Mais il s'en débarrassa rapidement. Jamais Esel ne se serait dressé contre l'autorité légitime. « Je n'en reviens pas que vous l'ayez giflé, quand même ! » fit-il remarquer avec un sourire amusé.

Il s'excusa un instant pour aller se débarrasser de son kimono, allant simplement se servir d'une des cabines d'essayages des nombreuses boutiques de Démétrio. Il n'avait plus besoin de se déguiser, et pour tout dire, il se sentait mal à l'aise une fois dépourvu de ses pièces d'armures et de son épée. Comme quoi, un rien suffit.

« C'était marrant, c'est vrai. Au moins j'ai acheté ce... ravissant kimono. », fit Esel avec un sourire. « On devrait faire ça plus souvent - pas voler des objets, hein, mais sortir du château. »

Peut-être que c'était les années passées à son côté qui le rendaient plus indulgent, mais aux yeux d'Esel, Mihael cherchait simplement à s'évader. La jeune souveraine avec le poids d'un pays entier sur les épaules. N'importe qui ploierait à sa place, lui le premier... alors comment pouvait-il la blâmer de vouloir s'amuser un peu ?

Il priait juste pour qu'elle n'ait pas l'idée d'aller voler autre chose.