L'heure, l'heure des résultats. Le voilà en garde-à-vous, sur le premier rang, la première ligne des nouveaux soldats. Si Alekseï est heureux ? Il ne saurait le dire, pour lui le bonheur est quelque chose d'éphémère, de pas très concret. Son cœur bat pourtant à tout rompre, car il se retrouve devant des personnes importantes, vraiment importantes, alors que lui, à la base, n'est rien ; et ça le rend fou putain. C'est ça ton but Alekseï, gravir les échelons, montrer à ta mère que toi aussi, tu peux être comme elle ; quelqu'un à l'esprit adroit, quelqu'un que les gens veulent suivre et respecter... Si seulement. Dix-huit ans, il vient de les avoir ; le voilà donc élu et c'est la plus jeune recrue à ce jour. S'il est fier ? Totalement, il bat sa mère d'une année. Oui, il est fier et il le montre bien. Le regard droit, la tête haute, ses yeux fixent un point et ne s'en détachent pas. Alekseï devrait jubiler, être vraiment heureux alors qu'un capitaine le félicite ; mais il ne dit rien, il ne montre rien, se serait peu honorable... On leur demande de se séparer, ils ont tous reçu leurs affectations, ils sont tous heureux.

Rentrer à la maison, vite, pour annoncer la nouvelle à June et Lance ; c'est ce qu'il aimerait faire, mais ses pieds n'arrivent plus à bouger, sur place, il fixe encore les gens qui passent ; et il la remarque. C'est elle, la nouvelle reine, celle dont sa mère lui a beaucoup parlé quand il était enfant. Il n'était âgé que de quatre ans quand cette dernière à disparue, mais il se souvient de tous les détails, de tout ce qu'elle lui à conté à son sujet. Cette reine ferait sans doute de grande chose ; c'est ce que sa mère répétait sans cesse, que la prochaine reine ferait de grandes choses. Alekseï ne peut pas s'empêcher de la regarder, de se rappeler tout ce que sa mère lui a raconter, sur la mère de la nouvelle reine, sur beaucoup de choses...

Il ne pensait pas la rencontrer un jour ; il ne pensait pas voir cette femme à la chevelure blanche et surtout pas la voir saluer les soldats avec autant de prestance. Ils sont bien différents, ils viennent de deux mondes totalement opposés, mais en ayant autant entendu parler d'elle, Alekseï se sentit presque proche d'elle... Devenait-il cinglé ? Peut-être un peu, en effet. Se grattant la tête, un peu gêné par ses pensées qui lui venaient par centaine dans la tête, le jeune homme commença à marcher, le regard dans le vague, un peu paumé. Regarder devant soit est toujours une bonne idée, surtout quand on percute de pleins fouets la reine de cette contrée. Reculant aussitôt, Alekseï lâcha après avoir posé genou à terre en signe de respect « Je suis désolé majesté, je ne faisais point attention. » Mais il se fit aussitôt attraper par un des généraux qui lui passa un savon bien mérité. On ne touche pas la reine impunément, il l'avait bien compris et il l'apprendrait sans doute à ses dépens... La prochaine fois Alekseï... Regarde devant toi.

Il ne sait pas du tout s'il va pouvoir s'en sortir ; il ne sait pas ce qu'il risque de se passer pour lui... Oui, dans sa tête, Alekseï imagine le pire. Les yeux scrutant le sol qu'il est en train de pratiquement déguster, le jeune homme voit sa vie défilée devant ses yeux, June et Lance, il n'avait aucunement le droit de les abandonner ; pas aujourd'hui et certainement pas comme ça. Son cœur fait un bond dans sa poitrine alors qu'il voit l'épée du général sortir petit à petit de son fourreau. Il va mourir, il le sent, mais il n'est pas du tout prêt à accepter sa sentence... Une voix s'élève alors dans les airs, se logeant à ses oreilles... Une voix douce, mais autoritaire. Il relève un peu la tête alors que la pression sur sa nuque s'apaise. La reine. Elle venait de lui sauver la vie, de l'épargner, d'arrêter la sentence qui lui était promise dès lors où il l'avait percuté. La jeune reine semble même prête à prendre les armes, main posée sur son épée encore dans son fourreau ; preuve qu'elle le défendait ; l'épargnait. June, Lance, soyez heureux tous les deux, il semblerait que ce ne soit pas aujourd'hui que votre frère disparaîtra... La pression sur son corps n'existe plus ; Alekseï peux donc se relever, son poignet droit et son épaule lui faisaient un mal de chien ; il faut dire que ce général venait de le mettre à terre avec une violence inouïe. Il fallait l'avouer, la reine avait de bon protecteur ; pas de doute à avoir.

La reine relâcha sa garde et s'approche de lui... Et le monde ainsi que la vision d'Alekseï sembla s'agrandir l'espace de quelques instants. Le jeune homme aux yeux vert d'eau n'avait jamais pensé qu'elle le remarquerait et encore moins qu'elle daignerait l'approcher... Et la suite fut encore moins prévisible. Leurs iris entrent en collision et il ne sait désormais plus où se mettre. Elle s'excuse, lentement, douce et pourtant, pour Alekseï, elle semblait plus grande que n'importe qui ici... Quelle prestance, quelle classe, cette reine étaient charismatiques, c'était déroutant ; et surtout frustrant. Elle pose sa main sur les vêtements d'Alekseï, essuyant les plis et le jeune homme fut prit d'un mouvement de recul, honteux et gêné avant qu'elle lui demande de décliner son identité... C'était la quatrième dimension ; rien n'était réel, il allait se réveiller dans quelque temps. Il devait encore être en position de garde-à-vous, attendant son affectation, ce qu'il se passait devant ses yeux était irréel, c'était obligé. Il cligne plusieurs fois des yeux, se pince même la joue pour voir... Non, rien. Il n'est pas en train de rêver. Il s'agenouille une nouvelle fois, baissant sa tête afin de cacher le rouge qui lui montait aux joues. « Vo-Votre majesté ! Je suis vraiment désolé, sincèrement. Vous avez même remis les plis de mon tee-shirt ; ce n'est vraiment pas convenable de ma part. Je suis vraiment... » Il s'arrêta, se rendant compte qu'il ne faisait que voler du vent. Elle ne semblait pas vraiment s'en faire pour ça. Une question lui revint alors en mémoire, devait il y répondre ? Après tout ; lui, il la connaissait, depuis bien longtemps grâce au récit de sa défunte mère, il avait l'occasion d'inverser la tendance ; elle aussi allait désormais le connaître.

« Je suis Alekseï Von Rosenbach ; plus jeune recrue que l'armée est connue à ce jour. Je vous suis obligé votre majesté. C'est pourquoi je suis sincèrement désolé pour ce qu'il s'est passé plus tôt. » Toujours agenouillé devant elle, il relève soudainement la tête ; voulant que son regard entre de nouveau en contact avec le sien. C'est fou maman ; je me sens proche d'elle alors que c'est la première fois que je lui parle et que je me retrouve devant elle. Il déglutit, cherché à créer de la salive ; mais quelque chose l'en empêche. Il ne sait pas si c'est la peur ou autre chose ; il n'en sait rien. Alekseï était perdu entre le réel et l'irréel ; elle venait de le perdre en son antre ; en l'entité qu'elle semblait représenter. Cette femme n'était pas banale, quelque chose se dégageait d'elle et il n'aurait pas su décrire quoi... Sa mère elle, aurait su trouver les mots et il était évident qu'il les avaient au fond de son esprit... Mais rien ne lui vient en mémoire ; rien ne daigne sortir, juste un murmure, une réflexion pour lui-même. « Comme tu me l'avais décrite mère... » Il n'avait même pas remarqué qu'il l'avait dite à voix haute... Le rouge revient, lui monte de nouveau aux joues... Quelle journée ; à croire qu'il enchaînait les gaffes. « Je. Désolé. Je pense que vous êtes occupé ma reine, je ne vais donc point vous importuner et vous faire perdre votre temps. » Il se redresse et tire la révérence une nouvelle fois, attendant néanmoins une réaction. L'espoir fait vivre ; beaucoup trop d'espoir ; l'espoir de pouvoir continuer de parler un peu plus avec elle... Mais un soldat n'a point ce privilège.

La jeune femme semble perplexe ; ce qui fut bien évidemment le cas d'Alekseï. Ainsi, elle avait entendu parler de lui... Il devait avouer être fier de lui, tout ces efforts semblaient avoir payés. Un peu gêné, le jeune homme baissa de nouveau la tête et se gratta l'arrière de la nuque. Quand il allait raconter cela à June et Lance ; qu'est-ce qui allait bien pouvoir s'afficher sur leurs visages ? De la fierté ? De l'indifférence ? Il était presque sûr de se prendre une réflexion de June ; c'était presque certain. Un haussement d'épaule léger s'échappa à cette pensée ; il était habitué avec elle maintenant ; et cela ne l'empêchait pas d'avoir un léger brother complexe. Sa famille comptait plus que tout autre chose que pouvait lui offrir le monde. Il lui fallait rentrer ; même si pouvoir parler plus longtemps avec la reine lui semblait être une bénédiction du ciel, il se devait d'aller fêter cela avec la famille. La plus jeune recrue connu à ce jour ; il fallait bien que cela se fête, non ? Alors qu'il se courbe une nouvelle fois devant la jeune femme, le jeune homme tourne les talons et commence à s'en aller. Mais la main agrippant son épaule et la voix de la jeune femme se glissant à son oreille l'immobilisèrent directement ; comme paralysé par son contact et par sa demande. « Alekseï, attends ! Est-ce qu'un membre de ta famille a fait partie de l'armée avant toi? Je suis presque certaine d'en avoir entendu parlé auparavant. Désolée si je suis longue à la détente. J'ai bien envie de discuter avec toi. »

Pincez le les amis ; Alekseï doit rêver. Etait-elle sérieuse ? Le nom des Von Rosenbach lui disait donc bien quelque chose ? Elle ne semblait pas se moquer de lui... Se pourrait-il qu'elle se souvenait de sa mère ? Son cœur s'accélère un peu plus alors qu'il se tourne de plus en plus lentement, presque comme un robot... Son corps ne semblait plus vraiment lui répondre ; en tout cas, pas correctement. Pris de sueur froide, il ne sait pas du tout comment réagir. Il ne s'attendait pas du tout à ce qu'elle lui pose se genre de questions ; tout lui revient alors en mémoire, comme une scène d'un film que l'on déteste et que l'on passe en accéléré. Oui, sa mère, sa douce et merveilleuse mère ; c'était elle dont elle parlait, c'était obligé. Tu vois Maman, y'a encore des gens qui se souviennent de toi. Le front de plus en plus en sueur, le jeune homme reprend peu à peu ses esprits, essuyant ses inquiétudes apparentes d'un revers de manche avant de baisser une nouvelle fois la tête et de regarder le sol. « Je suppose que vous parlez de ma mère... Elle était une des proches de la précédente reine... Et...» Posant son doigt sur l'insigne de son uniforme, il s'arrêta quelques secondes avant de reprendre. « Elle était également un des lieutenant de l'armée royal. »

La raison pour laquelle il a rejoint l'armée ; faire mieux qu'elle, gravir encore plus les échelons pour qu'elle soit fière de lui là où elle se trouve désormais. Un fin sourire se glissa entre ses lèvres alors qu'il laissa s'échapper d'une voix douce. « Je me rappelle vaguement de son visage ; elle est morte quand j'étais jeune, mais je me souviens de toutes ces histoires à votre sujet. » Il s'arrêta, regarda le ciel, puis reprit de plus belle. « Elle me racontait toujours des choses sur vous ; la tenue que vous portiez ce jour là... Et beaucoup d'autres choses. Elle semblait beaucoup vous appréciez votre mère et vous. » Non, Alekseï n'était pas jaloux. Il aimait les histoires que sa mère lui racontait, elles étaient toutes ancré en lui. « C'est peut-être présomptueux de ma part ; mais à cause de ça, j'ai l'impression de vous connaître depuis bien longtemps... » Mais ce n'était clairement pas le cas ; car elle, elle ne savait strictement rien à ton sujet. Le jeune homme baissa de nouveau la tête, gêné... Il aurait peut-être fallut qu'il tienne un peu plus sa langue...